Robert Bierman, U.S.A, 1988, 104 min
Vingt-cinq ans avant d’interpréter l’iconique Dracula dans « Renfield », Nicolas Cage jouait déjà les vampires. Du haut de ses 23 ans, et préalablement riche d’une carrière de six ans (ça aide d’avoir Francis Coppola comme tonton), il portait cet objet bizarre que représente « Vampire’s Kiss ». Robert Bierman, un cinéaste qui a eu autant d’impact sur le cinéma que la Tecktonik sur le solfège, en est le « réalisateur ». Au scénario cependant se trouve Joseph Minion, à l’origine de l’excellent « After Hours » de Martin Scorsese, dont la folie furieuse se ressent un peu ici.
Pas de suspens inutile, « Vampire’s Kiss » ce n’est pas un bon film, et en plus il ne vieillit pas très bien. Pourtant, il a réussi à passer le test des années, devenant même un objet de culte pour quelques cinéphiles égarés aux goûts éclectiques, ou douteux (selon où l’on se place). Pourquoi « Vampire’s Kiss » demeure un sujet de fascination malgré son histoire foutraque, sa mise en scène à l’Ouest, ses dialogues creux et son intrigue, disons… incompréhensible ? Et bien, cela se résume en deux mots, ou deux noms plus précisément : NICOLAS CAGE.
Count Nicolas
Le septième art est jonché de productions nulles, dans lesquelles surnage pourtant une performance. C’est le cas dans ce film puisque tout son intérêt réside dans l’interprétation accross over the top of the other side d’un Nicolas Cage complètement furieux. Il donne ici la gamme de jeu qui deviendra sa marque de fabrique, et justifie aussi pourquoi il a reçu un Oscar. C’est d’ailleurs un scandale qu’il n’en a pas eu un pour chaque rôle de sa carrière, mais c’est un autre débat.
Il est légitime de se demander si Robert Bierman a vraiment dirigé Nicolas Cage, car à première vue, le capitaine à bord de ce film semble disparu. Tout part tellement dans tous les sens et prend l’eau de tous les côtés. C’est un véritable naufrage cinématographique qui résume à lui tout seul tout ce qui peut résulter de l’incompétence. Pourtant le film semble avoir des prétentions, mais elles demeurent tellement obscures, que l’unique chose qui subsiste est l’énorme, si ce n’est légendaire, spectacle que nous offre un Nicolas Cage. En roue libre, comme rarement, il cabotine à mort, hurle, et donne l’air improviser 90 % de ses interventions.
Dans « Vampire », il y a « Pire »
Non, c’est faux, ce n’est pas le pire film de vampire jamais réalisé, il en existe de bien plus mauvais. D’ailleurs, ce n’est jamais très clair si c’est vraiment une histoire de vampire qui est contée, ou juste la descente aux enfers d’un type en burn out, qui sombre dans une folie furieuse. Pourtant, ce film donne réellement l’impression de dénoncer un truc. Le personnage de Nicolas Cage est par exemple un yuppie bien sous tout rapport, qui réagit à l’aliénation d’une vie formatée et sans enjeux. Pourquoi pas, il y a là matière à raconter quelque chose, avec profondeur en plus. De nombreux plans de New York laissent de plus suggérer que la vie citadine peut entrainer une forme de folie, à force d’être enfermée sans arrêt, même lorsque l’on se trouve en extérieur.
Le film de Robert Bierman donne l’illusion d’une satire sociale féroce, sur laquelle les spectateurices peuvent fonder une réflexion. Mais, il y a un gros « mais », puisque l’ensemble ne va jamais dans ce sens en fait. Le récit se contente de semer la confusion sur le personnage principal, qui pense être un vampire, mais ne l’est pas vraiment, mais peut-être un peu quand même, mais on ne sait pas… Et de comédie loufoque, à satire épineuse, le film bascule dans une sorte de drame tragicomique, ni réflexif et ni drôle. Bon, si, c’est un peu fun, mais uniquement par la performance de Nicolas Cage, en fin de compte.
Film d’Horreur ou Film d’Erreur ?
« Vampire’s Kiss » propose quelques séquences gentiment horrifiques, avec un petit peu d’hémoglobine ici et là, pour apporter un peu de consistance à son histoire de suceur de sang. Mais ça reste tout de même assez timoré, et c’est plus l’ambiance générale de l’ensemble, et le côté comédie raté, qui donne un sentiment d’épouvante substantielle. Horrifiée, l’audience ne peut que l’être, que ce soit par une histoire incompréhensible ou le jeu agressif d’une star sans garde-fou. Le choix en revient ainsi à chacune et à chacun de se délecter, ou non, de cette expérience cinématographique ratée, mais qui de fait s’en révèle fascinante.
Avec le poids des années, et l’icône qu’est devenu Nicolas Cage, le film gagne certes un certain intérêt qui lui permet d’éviter l’oubli général. Mais il est possible de trouver ici et là divers best of en dix minutes des meilleurs moments de la performance de sa tête d’affiche (lien ci-dessous). Pour les moins téméraires, cela peut suffire, et pour les plus courageux, c’est 1 h 43 de souffrance qui les attend. Faites vos jeux, et le choix de vos armes. Une seule chose s’avère certaine dans les deux cas, vous ne réciterez plus jamais l’alphabet de la même manière…
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