Martin

George A. Romero, U.S.A, 1977, 95 min

Avec « Martin », George A. Romero livre un film de vampire, mais sans vampires. Un an avant d’en revenir au genre qui lui a valu la reconnaissance (le Zombie), le cinéaste s’aventure dans le domaine d’un monstre iconique, fortement codifié, pour en défaire tranquillement toutes les règles. Forcément, le résultat s’avère bizarre, sous la forme d’un objet hybride entre horreur psychologique et viscérale, ainsi qu’une expédition dans les méandres d’un esprit malade.

MArtin (John Amplas) se cache derrière du gui.
Quelque chose de pas net se cache derrière toute cette histoire !

Le postulat se révèle des plus simples, avec un jeune adulte nommé Martin, persuadé d’être un vampire, car comme toujours chez Romero, ce qui compte c’est le propos. À partir de là, le récit explore la folie d’u homme aliéné, en prenant soin de ne pas enfoncer son héros, c’est également tout son environnement qui est passé au peigne fin. Dans un style cinéma-vérité, marque de fabrique de Romero, ce dernier entraine son audience dans un spectacle existentialiste où tout semble se résumer à u’une vaste blague. Est-ce vraiment le cas ?

Il n’y a pas de vraie magie. Il n’y a jamais eu de vraie magie.

Par son choix radical, de ne jamais dévoiler le pot aux roses, George A. Romero façonna son « Martin » comme une œuvre fascinante. Si ce n’est pas le film le plus accessible qu’il ait réalisé, ce n’en est pas moins l’un des plus captivants. Il faut certes accepter d’être malmené pendant 1 h 35, par une expérience horrifique rare, à la limite de l’expérimentale, frôlant même par moment le cauchemar éveillé. À bientôt 50 ans, le métrage demeure une énigme cinématographique comme seules les années 1970 ont pu nous offrir.

Martin, dans l'obscurité, la bouche en sang, se montre particulièrement inquiétant.
Martin, un garçon pas comme les autres… Où juste un type normal dans un monde anormal ?

Ce n’est pas un mystère, Romero a toujours été un cinéaste un peu roublard, qui sans user d’une grande finesse dans les analyses présentes dans ses films, s’est systématiquement montré pertinent. Il demeure certain qu’il avait compris son monde, que ce soit celui qui l’entoure au quotidien, comme celui qui sert de scène internationale au théâtre absurde de l’humanité. En cela, « Martin » n’est pas très éloignée de « The Night of the Living Dead » (réalisé en 1968), et présente le spectacle traumatisant et déroutant d’une humanité en perdition. La seule ligne de mire se révèle alors d’une obscurité sans faille.

Les vampires, ça n’existe pas d’abord !

L’audience du métrage est forcément bousculée dans le sens où le personnage principal est un être absolument abject. Menteur, voleur, tueur et toute autre joyeuseté, il pratique ses méfaits durant tout le récit, créant la suspicion autour de lui et le dégoût des spectateurices. Ce sont les années 1970, le cinéma hollywoodien expérimente alors l’antihéros, qui est le « héros » de la décennie. Par son traitement hyper réaliste, il est difficile de croire à cette histoire de vampire, surtout quand des séquences de songe horrifique, venues de l’imagination de Martin, ponctuent le récit. Elles en appellent à toute une imagerie gothique, dans la grande tradition du film de vampire héritier du « Dracula » de 1931.

Un prêtre et un chasseur de vampire se prépare à mettre fin aux souffrances de Martin
On ne croit pas aux vampires et à toutes ces fadaises ! Mais dans le doute…

Tout est alors réuni pour nous faire avaler tout ce que nous voyons, comme étant vrai. Pourtant, tout semble également orienté pour nous perdre à la moindre discussion, puisque chaque interaction que Martin peut avoir avec les autres personnages du film ne laisse entrevoir que le fait qu’il est fou. Attention, il est « fou » dans le sens clinique des années 1970, c’est-à-dire qu’il souffre certainement d’une maladie psychiatrique. Mais au lieu d’être prit en charge par des professionnels, son entourage se met plutôt à croire qu’il est réellement un vampire et agis en conséquence.

Et si tout cela était finalement… réel ?

Sans spoil et sans surprises, le métrage de George A. Romero ne donne aucune réponse, si même aucune piste quant à savoir si Martin est réellement un vampire. Il en va ainsi de la discrétion de chacun de se forger sa propre opinion. Le débat est ainsi ouvert depuis 1977, et ne sera probablement pas refermé avant que le film sombre dans un oubli total et irréversible. Tout le charme du métrage réside dès lors dans cette énigme qui est posée, et qui semble insoluble, lui donnant toute son aura.

Martin, avec un dentier de vampire, sème encore un peu plus le trouble sur sa véritable nature.
Martin, un vampire (ou pas) qui vous veux du bien (ou pas) !

Autant d’éléments du récit font pencher la balance d’un côté comme de l’autre, offrant à « Martin » l’opportunité de demeurer un film unique et originale. Pour l’auteur de ces lignes, la réponse se retrouve dans les autres productions de Romero, qui laissent à penser que ce dernier nous raconte ici une blague sophistiquée, pleine d’un humour noir acide. Cette expérience absurde se révèle intelligemment réfléchie et mise en scène pour la plus grande joie des amateurismes de frissons et de mystères. C’est même là que réside tout le plaisir de ce métrage polisson, cet étrange et sombre questionnement envers Martin. Peut être est-il tout simplement un vampire et qu’il ne sert à rien de se prendre autant la tête…

Pour en Savoir Plus

Martin sur IMDB

Martin par Jean-Baptiste Thoret

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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