Brocéliande

Doug Headline, France, 2003, 90 min

À sa sortie en 2003, « Brocéliande » a polarisé autour de lui un flot de haine, justifié ou non. Taxé dès son exploitation en salle de purge immonde, il ne parviendra jamais à se défaire de cette réputation injustement gagnée. À son échec au cinéma s’est ajouté son échec en vidéo, et petit à petit le film est tombé dans l’oubli. Jusqu’à ce que la magie d’Internet l’exhume, par l’entremise de tops/flop, dans lesquels il figure souvent. Considéré comme « l’un des plus mauvais films jamais réalisés », il occupe en général une bonne place dans ces tops malsains, s’acharnant avec gratuités sur des œuvres qui parfois n’en demandent pas tant. Maintenant ainsi une réputation de sombre étron filmique, tout en lui conférant une aura d’entreprise désastreuse.

Elsa Kikoïne, héroïne de Brocéliande, se cache derrière un arbre, suspicieuse.
C’est parfois derrière la forêt que se cache l’arbre…

À y regarder de plus près, « Brocéliande » ressemble juste à une minuscule série B horrifique, avec un budget limité, fait par des passionnés (Doug Headline est un ancien de Starfix), sans jamais se prendre au sérieux. Le film véhicule un humour potache, comme souvent dans ce genre de production, plus proche d’un second degré assumé. Avec son histoire classique, et ses personnages standards, l’intrigue prend place dans un Rennes fantasmé (les décors de la fac et de Brocéliande se trouvent en réalité en région parisienne). Domine au cœur de la capitale bretonne un mystère, renforcé par la proximité de Brocéliande, qui referme en son sein toute la magie des peuples celtiques.

Le folklore, toujours le folklore

Disparu depuis bien longtemps, ces peuplades qui parlaient au soleil, mangeaient des baies et on n’en sait pas beaucoup plus, sont source des fantasmes les plus imaginatifs. Le métrage ne cherche jamais à invoquer les Celtes de façon réaliste, mais utilisant leur background fantastique, pour construire son atmosphère inquiétante. Série B des plus sympathiques, Doug Headline livre ici un film d’horreur qui tient la route, sans être trop violent, pour viser un public jeune. Il s’y trouve tout de même quelques fulgurances gores, rendant l’ensemble attrayant. L’exploitation azimutée de mythes celtes complètement fantasmés correspond en ce sens à des clichés convenus et acceptés, bien que très cons.

Dans Brocéliande, il y a un décorum et un maniérisme cinématographique très travaillé.
La Lara Croft de Paimpont dans le Tomb Raider d’Ille-et-Vilaine

Et ça, le métrage s’en montre pleinement conscient en fait. De l’aveu même de Doug Headline, au départ le scénario s’avérait très différent et plutôt ambitieux. Mais le producteur en charge du projet leur a fait revoir leurs attentes à la baisse. Avec son scénariste, Headline a alors extirpé l’essentielle moelle du script, pour délivrer ce qui donna naissance à « Brocéliande ». C’est donc un délire bis, fait par des passionnés qui aiment le cinéma. Et ça, ça se voit tout simplement dans la mise en scène. Jamais ce n’est réaliste et jamais ça ne se prend au sérieux. Les acteurs cabotinent et en font des caisses au cœur d’une intrigue bidon, qui fonctionne néanmoins. En cela, la dernière demi-heure du film demeure absolument géniale.

C’est nul… Mais c’est si bien !

Après avoir accompli ses sacrifices, et répondu aux différentes étapes d’un rite celtique ancestrales, le « méchant » se transforme en gros monstre. Le film bascule alors dans un autre genre, plus codifié. Et le pire c’est que ça fonctionne plutôt bien, en grande partie grâce à un costume bien foutu. Toute cette séquence n’est d’ailleurs pas sans rappeler la fin de « Le Pacte des Loups », réalisé également par un ancien de Starfix. De plus, la mise en scène, absolument généreuse, capture le monstre sous toutes les coutures. Rendant hommage à la production design, et à la qualité d’un costume qui témoigne du sérieux de l’entreprise, pour un film qui avec son mini budget ne se prend pas la tête. Le combat où s’opposent alors les protagonistes et le monstre se révèle des plus épiques, et diablement divertissant. Bien aidé, il faut le dire, par la générosité de l’ensemble, qui assume son côté kitsch.

Elsa Kikoïne et Cylia Malki, porte Brocéliande sur leurs épaules !
Elsa Kikoïne et Cylia Malki, héroïne bad ass pour film bien naze

Certes, le film est bourré d’imperfections, et plus d’un choix de mise en scène, ou de montage, peuvent laisser interrogateur. Mais ce sont souvent des gimmicks présents pour cacher un peu la misère du projet. Et pour un truc qui a coûté trois fois rien, franchement ça tient complètement la route. Il ne mérite pas cette virulence de la part des critiques dont il est sujet. Oui c’est un film insignifiant, et il n’est même pas nécessaire de le réévaluer, puisqu’il reste ce qu’il est : un minuscule trip horrifique qui se veut fun. Il peut en ce sens, dans une moindre mesure, être comparé au « Maléfique » d’Éric Valette, sorti un an avant. Les deux projets se contentent de budget minime, et parviennent à l’exploiter au maximum.

Du Bis qui s’assume

Pour peu que l’on se prête au jeu, c’est en outre la garantie de s’embarquer pour un bon petit moment. Doug Headline n’étant pas un ignare, il sait parfaitement ce qu’il réalise. En ce sens, « Brocéliande » est totalement maitrisé. Alors non, il ne mérite pas cette réputation négative, qui le présente comme l’un des pires mauvais films de l’histoire des pires mauvais films. Il est mime très loin de tenir la concurrence avec des productions nulles, ratées ou malades. Rien de tel. C’est juste une série B malicieuse à l’humour ado, qui fait parfois mouche, et parfois bide. Pas de quoi en faire tout un drame en fait.

Pour en Savoir Plus

Brocéliande sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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