Mad Heidi

Johannes Hartmann & Sandro Klopfstein,

Suisse, 2022, 93 min

Un régime autoritaire avec pour idéologie le fromage, un dealer d’emmental, des bodybuildeuses bavaroises, un savant fou, des nonnes Shaolin, de la torture à la raclette, un fantôme, des zombies, de la baston, des explosions, du gore à outrance… Voilà un petit aperçu de ce que réserve « Mad Heidi », un production issue de la Swissploitation, un mouvement fictif inventé pour l’occasion. Le film reprend le principe du Grindhouse, principalement dans sa forme, pour mieux envelopper un délire grandeur nature, totalement assumé, qui part un peu dans tous les sens, mais demeure d’une générosité sans failles.

Mad Heidi s'entraine au Kung Fu avec une nonne zombie. Oui.
Les fameuses nonnes Shaolin d’Outre-Jura

Né suite au succès d’un crowfunding, le métrage de Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein s’amusent des codes de la tradition suisse, en les détruisant à grands coups de sabot, par l’entremise des conventions d’un cinéma populaire complètement foutraque. Si en effet le film part dans tous les sens, il est tout de même construit comme un récit initiatique classique et peu surprenant. Cela permet au public de garder au moins un minimum d’attention sur ce que raconte l’histoire. Pour le reste, c’est juste un immense prétexte pour ouvrir les vannes de l’absurde, pour un trip qui file à toute berzingue.

« Happy Goats make Happy Cheese »

L’un des éléments les plus présents dans le cinéma d’exploitation, c’est le nazi, à tel point qu’il existe carrément un courant de nazisploitation. « Mad Heidi » reprend ainsi ce concept cinématographique, pour le dépoussiérer un petit peu, mais uniquement visuellement, et c’est en cela que le film se montre intéressant. Pas de croix gammée et de petit moustachu frustré qui hurle sa haine, mais des brassards avec la croix suisse et un régime qui polarise son oppression sur les personnes intolérantes au lactose. Toute l’iconographie en lien avec le nazi de cinéma s’avère bien présente, bien qu’elle soit détournée pour notre plus grande joie.

Casper Van Dien en leader suprême d'une Suisse autoritaire contre laquelle se bat Mad Heidi.
Le Dirigeant Très Suisse d’une hélvétie dystopique (stopique)

Le dictateur est un magnat du fromage, joué par Casper Van Dien (toujours aussi mauvais, et c’est un réel plaisir de le retrouver), qui prévoit de dominer le monde grâce à une armée de supersoldats, qu’il compte transformer avec une recette de fromage spéciale. Cependant, ses plans sont remis en cause lorsqu’une jeune fermière qui a tout perdu, ses parents, son petit-ami, puis son grand-père viennent clamer sa vengeance, en tuant à peu près tout le reste du casting. Voilà grosso modo l’histoire d’un film, dont l’intrigue s’étale sur 1 h 33. Comme quoi, il n’est pas la peine, parfois, de se donner des allures alambiquées pour capter l’intérêt, du fromage et du gore, c’est tout ce qu’il faut, la preuve en est.

Aux sources d’un mythe suisse

En plus de son esprit déjanté et de son gore décomplexé, l’autre petit plaisir de « Mad Heidi » c’est sa manière de jouer avec absolument TOUS les clichés en lie avec la Suisse. Alors bien entendu il y a cette fascination pour le fromage, qui sert d’intrigue principale, mais il y a également un nombre incalculable de plans dans les montagnes, les prairies vertes, les rivières, le chocolat, les vaches… Tout ce que l’inconscience populaire peut avoir sur la Suisse, le film en remet une couche. Et c’est en cela que c’est, aussi étonnant que cela puisse paraître, une excellente adaptation d’Heidi. En effet, les romans et ses diverses revisions, comme l’animé japonais de 1974, sont respectés à la lettre.

Technique de torture à base de fromage, dans Mad Heidi.
Fallait pas faire tomber son crouton dans la fondue…

Une adaptation réussie c’est aussi une adaptation qui sait prendre ses distances avec l’œuvre originale et la réinventer, tout en conservant ses spécificités. Si l’on fait abstraction du délire autour du fromage, d’un visuel hybride entre film de blaxploitation et de Kung-Fu, un gore omniprésent, des comédienes qui cabotinent et un traitement au 1000e degré, et bien « Mad Heidi » diffèrent très peu des romans de Johana Spyri, sortis en 1880 et 1881. C’est une nouvelle vision, très contemporaine, qui revisite un mythe suisse, agrémenté d’un demi-siècle de culture cinématographique populaire.

Heidi : 1 — Fromage : 0

Fidèle à son concept, de bout en bout, généreux à plus d’un égard, maladroit, mais tellement riche, « Mad Heidi » a tout de la série B dégénérée qui fait du bien. C’est aussi le constat d’un cinéma d’exploitation que l’on mérite, à une période où nous sommes de nouveau saturés par des Blockbusters de plus en plus insipides et interchangeables (comme au bon vieux temps des années 50/60). Le fait que ce soit également une production qui vienne d’Europe, d’un pays pas vraiment reconnu pour son cinéma, ça rajoute au plaisir que l’on peut éprouver en consommant cette production, sans modération, aucune. Il faut juste profiter de cette ouvre bigger than Swiss, laisser son cerveau en mode off, et s’abandonner à rire bêtement devant ce qui devrait être la norme d’un divertissement réussi.

Alice Lucy incarne Mad Heidi, version bad ass des romans de Johana Spyri.
Mad Heidi, elle n’est clairement pas venue pour ouvrir ses oeufs de Pâque…

Pour en Savoir Plus

Le site officiel Mad Heidi

Mad Heidi sur IMDB

Mad Heidi sur ShadowZ

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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