La Tour

Guillaume Nicloux, France, 2023, 89 min

Bon, ce n’est un mystère pour personne, l’auteur de ces lignes ne porte pas vraiment le Cinéma français dans son cœur. Cela ne veut pas dire que de temps à autre une production ne suscite pas l’intérêt, ou qu’une autre n’éveille pas la curiosité. Parmi le flot de comédies nulles et de drames insipides, de temps en temps il y a quelques films qui font mouche. Mais il y a pourtant un genre qui en France est devenu de plus en plus difficile à trouver, c’est celui de l’Horreur. Alors quand une production sort, forcément, ne pas se jeter dessus pour la dévorer serait dommage.

Deux héroïne de La Tour e croisent dans un couloir, dans une lumière dégueulasse, rendue encore plus moche par le filtre ocre moche.
Une image moche à propos, n’est pas une démarche artistique

Sur le papier, « La Tour » de Guillaume Nicloux possède absolument tout pour attirer la curiosité. Un pitch efficace (un brouillard épais recouvre une tour de banlieue), un concept terrifiant (quiconque entre dans ce brouillard est découpé), un potentiel social (les habitants doivent survivre ensemble) et la possibilité de mettre en place un survival intense fascinant. De plus, le sujet s’ancre dans l’air du temps, et il y en a des choses à dire avec un tel postulat. Le problème : Est-ce que Guillaume Nicloux, petit-bourgeois de Melun, dans le milieu du cinéma parisien depuis les années 1980, est le plus à même de prendre comme décors une tour de banlieue pour raconter son histoire?

C’est moche, ça pue et puis c’est raciste

Visuellement très laid, avec son filtre ocre du pauvre, censé donner une certaine ambiance, dès les premières minutes « La Tour » déçoit. Ce n’est pas en baissant les contrastes et les lumières qu’un environnement devient plus hostile et un film plus obscur. Ça, c’est une démarche acceptée dans le cas de court-métrage ou de produit à tout petit budget. La on est quand même sur une production Canal +. Alors quand, en plus, le scénario devient une vaste blague, remplit de poncifs outre-datés, de dialogues creux et de personnages tous plus vide que les autres, la coupe débordent. À ce moment, il reste encore, environs 1h20 de film.

Le gang des Arabes, qui se prépare dans La Tour, usant ici d'un poncif raciste alarmant.
Devinez qui c’est qui deal et qui a des flingues ?

Inutile de tirer sur l’ambulance, passons directement au gros problème de cette production : elle est raciste. Alors, c’est peut être juste maladroit, mais dans les deux cas l’idéologie qui s’en dégage s’avère nauséabonde. Pour commencer, les survivants se divisent en trois groupes : les Arabes, les noirs et les blancs. Oui, c’est aussi subtil que cela, alors autant dire que la métaphore censée représenter la société française a plus que du plomb dans l’aile. Il ne reste plus que l’aile et un peu de plomb.

Guillaume Nicloux ni vis.

Oui, le film s’avère à ce point à côté de la plaque, ce qui donne des séquences totalement hallucinantes, surtout en 2023. Par exemple lorsque deux personnes âgées sont agressées chez elles par trois jeunes du gang des Arabes… la Vieille France est ici mise à mal par la jeunesse issue de l’immigration… C’est du Cinéma en fait, les images racontent elles aussi une histoire, et même si c’est peut être de la simple maladresse, cela en dit long sur la vision du cinéaste.

Une septuagénaire agressé par un jeune du gang des Arabes, dans La Tour. Oui, c'est raciste.
Devinez qui c’est qui agresse de pauvres septuagénaire bien français ?

« La Tour » constitue une énième fiction fadasse, qui n’épargne aucun cliché sur les minorités, que ce soit ethnique ou sexuel, et résume les problèmes de société à l’équivalent d’un bandeau d’actu sur CNews. En effet, le film essaye de se montrer moderne, avec un couple de lesbiennes par exemple, qui à part être filmé nu ne sert strictement à rien dans l’intrigue. Là encore, les images parlent d’elles-mêmes, et il est assez incroyable qu’un cinéaste dont c’est le 17e long métrage demeure à ce point incapable de prendre ça en compte.

Circulez, y’a rien à voir

Aucune ambiance ne se met en place, aucune angoisse, ni aucune peur ne transparait, sur un postulat pourtant prometteur, qui aurait permis toutes les expérimentations et excentricités possibles. Mais non, ça ne dépasse jamais le cadre du classique policé de tous bords, avec une narration mal alambiquée, des acteurices à la rue, des séquences qui se suivent sans cohérence ni homogénéités… Pour une tentative de film d’Horreur, c’est frustrant. De plus, le contexte de la banlieue, un endroit cosmopolite, riche d’une diversité, peut servir de parabole pour dresser le portrait d’un pays en mal être. Mais il n’en est rien, c’est juste nul.

La Tour se rappelle par moment que c'est un film horrifique. Ici un pied et son mollet, derniers restes d'une personne entre dans le brouillard.
Ha ! Un caméo du réalisateur, visiblement…

La vulgarité de l’ensemble, qui cherche à donner une dimension subversive de supermarché, se révèle fatigante. À chaque plan et dans chaque expression de visage, le film essaye d’être ce qu’il n’est pas. Il y a une rupture évidente entre ce que cherche à raconter le scénario faiblard en tout point et les images qui véhiculent les pires clichés. Quant au montage inepte, il ne fait qu’alourdir un récit déjà étouffé dans sa propre suffisance, parce qu’en plus le métrage se croit malin.

Une nouvelle opportunité ratée

Ce n’est jamais effrayant, ce n’est jamais terrifiant, ce n’est jamais suffocant (pour un huis clos c’est dommage…). C’est juste un gaspillage de subventions, pour un projet plat et sans saveur, par un cinéaste qui n’a rien à raconter, et pire, rien à montrer (ce qui est un comble). Alors il met des seins ici et là, un ou deux effets un peu sanglants et un peu de philosophie carambar pour se donner une texture d’auteur, sauf que rien ne fonctionne. C’est juste un gâchis de plus dans cette morne plaine qu’est la production cinématographique hexagonale.

Deux membres du gang des Arabes brûlent un billet de 500 euros, dans La Tour, ce film si subversif.
Magnifique allégorie de l’utilisation des subventions du CNC

Sur une idée quasi similaire, d’un groupe très éclectique, enfermé dans une tour de banlieue, il vaut mieux revoir « La Horde » de Yannick Dahan et Benjamin Rocher, sortis en 2009. Bien plus percutant, avec un message social pertinent, car fort d’une vraie envie de cinéma de genre, qui sans se prendre au sérieux propose un spectacle fun, décomplexé et assumé. Tout ce que n’est pas « La Tour », énième coup dans l’eau de l’horreur a la Française.

Pour en Savoir Plus

La Tour sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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