Yannick Dahan & Benjamin Rocher, France, 2009, 90 min
Oui, un cinéma de genre, horrifique, avec des zombies même, est tout à fait possible. La preuve en est avec cet excellent « La Horde » de Yannick Dahan et Benjamin Rocher, débarqués sur nos écrans en 2009, alors que le revival Zombie touchait à sa fin, avec une exploitation outrancière du sujet. Qui dit « film de zombie à la Française » sans Jean Rollin aux manettes, dit aussi prise au sérieux d’un genre perçu un peu trop comme désuet et vulgaire, voir inutile. C’est d’ailleurs là où « La Horde » se démarque, puisqu’il reprend à son compte la démarche de George A. Romero, qui veut que toute bonne histoire avec des zombies doive servir avant tout à critiquer son temps.
De la critique, ça, pas de problème, « La Horde » ne se montre jamais avare en petites punchline qui vient nous rappeler que nous vivons dans un monde formidable. Le sous-texte du film s’avère en effet particulièrement riche et délivre un message coup de poing qui a dû en déplaire à beaucoup lors de sa sortie. Contemporain du « Frontière(s) » de Zavier Gens, sorti en 2007, ce sont les échos de l’embrasement des banlieues françaises en 2005, qui se font entendre une fois de plus. Ce malaise touche les populations ghettoïsées et l’attitude de forces de l’ordre qui se prennent pour des cow-boys. Oui, cette chronique est écrite en juillet 2023, concerne un film de 2009, qui parle d’évènements ayant eu lieu en 2005. Tout lien avec une certaine actualité n’est que fortuit.
Une œuvre populaire mais pas désuète
Si « La Horde » prend son sujet particulièrement au sérieux, et délivre en ce sens un message qui fait mouche et qui se tient sur le long du métrage, il procède aussi avec panache. En effet, ce qui est proposé aux spectateurices c’est une série B décomplexée et fun qui ne lésine pas sur le gore. Tout en développant des personnages over the top, que la mise en scène cherche à iconiser à la moindre occasion. Tout cela est accompagné de punchline basse du front et efficace, qui elle aussi touche leur cible la plupart du temps. C’est un peu comme s’il y avait deux films en un, mixant le polar dramatique à portée sociale avec un pur produit de l’exploitation horrifique.
L’ombre de John Carpenter demeure très présente derrière la structure du scénario, qui puise allégrement dans « Assault on Precinct 13 », au point même qu’ici les zombies aussi ramassent leurs cadavres. Et puisque le second film de Carpenter était un remake contemporain du « Rio Bravo » d’Howard Hawks en 1956, cela donne une dimension particulièrement western à « La Horde ». Clairement, les deux cinéastes aux manettes connaissent leur sujet et savent parfaitement ce qu’ils font. Le métrage est ainsi maîtrisé de bout en bout, assume sa nature et n’hésite pas à se vautrer avec bonne humeur dans les clichés les plus identifiés du film d’Horreur.
Du sang et des tripes, que demande le peuple ?
Bien entendu, c’est de là aussi que proviennent les défauts majeurs de l’entreprise. En ne parvenant jamais vraiment à s’émanciper de ses influences, le récit est très convenu et chaque péripétie attendue. Si les personnages se révèlent plus que de simples entités unidimensionnelles, ils sont calqués sur des archétypes extrêmement conventionnés. Cela fait que dès le départ il est possible de savoir qui va mourir, qui va s’en sortir, qui va jouer les héros et qui va se faire bouffer lamentablement, pour revenir en zombie pour une grosse scène de bagarre. Il faut donc accepter cela et faire le deuil de la surprise et de l’originalité, afin de juste apprécier le spectacle, car il en vaut la peine.
Le fait que formellement le film soit extrêmement balisé, cela permet aussi aux deux cinéastes derrière l’entreprise de mieux développer le sous-texte. Pour faire simple, un groupe de policier décide de se faire justice en allant tuer un caïd responsable de la mort d’un de leur collègue. Le récit oppose alors un des flics ripoux sur les bords, à des gangsters de banlieue. Le film utilise pour constituer ses personnages des fantasmes issus d’une société française clivée. Ce qui est montré à l’écran ne se veut jamais réaliste, c’est par la métaphore et le prisme cinématographique que le message passe. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas ici dans un énième film raciste et premier degré de Cédric Jiménez.
Le haut du panier de la production horrifique de France
À revoir avec le recul, « La Horde » se montre toujours efficace et témoigne aussi des problèmes de société en lien avec les banlieues, qui ne sont systématiquement pas réglé, loin de là. Les flics ont moins de valeurs que les gangsters qu’ils combattent. Cela fait qu’en tant que spectateurices, on se retrouve parfois à défendre ceux censés agir pour le mauvais côté de la loi. Et le tour de force du film réside dans cette capacité à créer du dilemme, tout en utilisant le petit guide du cliché le plus grotesque et ça marche.
Modeste production efficace à redécouvrir, « La Horde » demeure ce que le Cinéma français a pu proposer de mieux dans le genre du zombie. C’est même incompréhensible qu’il n’y ait pas vraiment eu de suite, du moins spirituelle à cette œuvre. Yannick Dahan, avant tout critique, ne retentera pas l’expérience et en retournera à ses critiques. Benjamin Rocher lui retentera l’expérience avec « Goal of the Dead » en 2014, sur un ton plus parodique, avant d’aller réaliser des films d’action à la française. C’est dommage que « La Horde » n’ait pas créé une impulsion, surtout qu’il sort à une période où les expérimentations de la Nouvelle Extrémité française arrivaient à terme. Alors qu’il aurait pu ouvrir une ère fastueuse pour l’Horreur hexagonale, il n’en demeure que le vestige de la fin d’une époque. Vraiment dommage.
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