Ridley Scott, U.S.A, 1979, 117 min
Œuvre hybride s’il en est, « Alien » est un véritable super-huit intergalactique passant de genre en genre avec une aisance exceptionnelle. Film de Science Fiction (du genre Hard S-F) dans sa première heure, plus le climax se tend et plus le récit bascule dans l’Horreur la plus pure. S’installe ensuite un survival étouffant en milieu plus qu’hostile, qui se termine dans un duel des plus épiques, digne des plus grands westerns du XXe siècle.
Sorte de film de la maturité pour la Science Fiction spatiale, tout dans ce film est réalisé au millimètre près, des interprétations à la mise en scène. Ce n’est donc pas étonnant que plus de quarante ans après sa sortie, il ait conservé toute sa force et mérite amplement sa qualification de chef-d’œuvre. Il doit également beaucoup à l’arrivée de l’Horreur dans le champ mainstream, ouvert quelques années par « The Exorcist » (1973 et « Jaws » [1975].
Une œuvre ancrée dans son temps et bien dans ses baskets
L’une des caractéristiques principales de ce formidable métrage, c’est son réalisme, mais aussi la manière particulièrement fine avec laquelle il s’ancre dans son époque. En effet, le futur dépend par le scénario de Dan O’Bannon et Ronald Shusett, ne correspond à rien d’autre que l’année 1979. La crise que vivaient alors les États-Unis se retrouve par exemple dans la manière dont sont représentés les deux mécanos. À chacune de leurs apparitions, ils se plaignent de trimer plus, pour finalement gagner moins que les autres membres de l’équipage. En plus d’apporter un côté caustique au métrage, cela le rend conscient d’une réalité sociale, et du genre de public qui se déplace pour voir un tel film.
Sans se montrer en avant sur son temps, au contraire même, il est particulièrement bien ancré dans les seventies, le métrage témoigne de la vague de féminisme de l’époque [qui touchait à sa fin]. En effet, le personnage de Ripley [sublime Sigourney Weaver] demeure un véritable symbole de women empowerment, en plus d’être devenu l’une des icônes principales de la pop culture. Du début à la fin, elle n’est jamais écoutée, pourtant, dès sa première apparition, elle le dit : « Ce n’est pas une bonne idée ». Résultat, tout le monde meurt et elle s’en sort, donc si la puissance de la métaphore du plafond de verre n’est pas claire avec ça…
Dans une salle de ciné, tout le monde vous entendra crier
Mais c’est bien entendu la maestria avec laquelle est mené le métrage qui marque le plus. L’ambiance lourde, pesante, cette peur insondable de l’inconnu, de ne pas comprendre ce qu’il se passe, de ne pas savoir quoi faire, être juste démuni face à l’innommable. Cette facette du métrage ne se retrouve pas que dans le xénomorphe, mais tout autant dans ce superbe personnage interprété par Ian Holme, qui lors d’une scène de rixe avec Ripley donne plus d’un frisson. De toute évidence, tout dans « Alien » n’est qu’une question de terreur.
Particulièrement bien distillée, la peur ne vient pas forcément de l’alien lui-même, elle se trouve partout. Dans l’espace, où se déroule l’action, mais aussi dans la firme pour laquelle travaillent les membres de l’équipage, dans l’ordinateur central et même à l’intérieur des personnages. Le film de Ridley Scott s’avère ainsi plus qu’une production d’Horreur ou de Science-Fiction, c’est une réflexion analytique incroyablement fine et riche, de ce que doit être la peur au Cinéma. Les influences brassées par le réalisateur, les scénaristes, mais aussi l’équipe artistique dans son ensemble [H.R. Giger et Moebius en tête], font de ce métrage la somme cinématographique de la S-F, de George Méliès à Stanley Kubrick.
Un film unique aux confins de l’Espace et de l’Horreur
Jamais égalé jusqu’à aujourd’hui [mais très souvent décalqué], « Alien » ouvrit toutefois la porte à trois suites, deux préquelles et deux spin-offs. Cependant, il reste une œuvre unique, que les multiples séquelles n’ont jamais permis de détrôner. Toute la puissance évocatrice et imaginaire de ce métrage ne trouve aucun équivalent depuis sa sortie. Tout cela contribue à considérer ce film, sans aucun abus de langage, un véritable chef-d’œuvre du septième art, intemporel et impérissable, tout simplement.
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