Jean-Pierre Jeunet, U.S.A, 1997, 109 min
S’il y a bien un mot pour décrire « Alien Resurrection », c’est : inutile. En effet, initiateur de la désormais saga Alien, il fait plus tache qu’autre chose vis-à-vis de l’excellente trilogie proposée entre 1979 et 1992. Si le film fonctionne comme un stand alone efficace, il n’en ressemble pas moins à une œuvre bâtarde qui ne peut exister sans ses trois prédécesseurs, qu’il cite sans arrêt, tout en se cherchant une identité propre. Comprenons-nous bien, le métrage de Jean-Pierre Jeunet n’est pas mauvais, loin de là, il est même réussi à plus d’un égard. Ce n’est juste pas un bon « Alien ».
Dès le départ le projet tente un marathon sur une jambe, avec une histoire capilotractée des plus douteuses, qui sent bon l’opportunisme et l’appel du « dollar dollar bill yo ». Partir du postulat d’un clonage de Ripley, pour récupérer un xénomorphe qu’elle a détruit 200 ans plus tôt, grâce à des restes d’ADN retrouvés sur la planète prison où elle a trouvé la mort… Ça fait plus début d’une mauvaise série Z, que d’un bon gros blockbuster hollywoodien. Mais Jean-Pierre Jeunet est un bon cinéaste et il sait ce qu’il fait, tout comme son scénariste Joss Whedon, qui s’il est un gros con dans la vie, a du talent. Ensemble, accompagné d’effets spéciaux jubilatoires, ils parviennent à donner de la gueule à cette histoire et finalement on ne peut qu’y adhérer.
Subtilisation consentie des billets dans le portefeuille
Mais le véritable tour de force de cette entreprise, c’est la direction vers laquelle Jean-Pierre Jeunet décide d’orienter le corps d’« Alien Resurrection ». Sans prendre aucune pincette, il assume radicalement la nature du projet, pour délivrer une œuvre bourrine, décomplexée, totalement Badass, crasseuse, et putain de jouissive. Il s’autorise même plusieurs incursions dans le gore, marque de fabrique de la saga. C’est bien simple, en un film il explose plus de crânes qu’en trois.
L’atmosphère mise en place fonctionne également, à l’instar de cette séquence dans une salle où se trouve une authentique galerie des horreurs à vomir, avec les spécimens ratés du clonage de Ripley. Il est possible aussi de prendre comme exemple l’élimination d’un monstre de façon peu ragoûtante, en jouant au yoyo avec ses boyaux. Et que dire de la naissance hardcore d’un alien qui explose une cage thoracique et une boite crânienne, avant que les deux malheureux ne se fassent pulvériser par les balles des survivants…
Dans le doute, faut tout faire péter
Cette façon jusqu’au-boutiste d’aborder l’esthétique brutale du métrage le sauve totalement. Ce n’était pas gagné d’avance, puisque le tour du concept a été largement exploré en trois volets, tout comme le parcours de Ripley. Les trois premiers films alimentaient chacun à leur tour, et de manière subtile tous les atours de l’univers Alien, ne laissant plus grand-chose de bien passionnant à raconter. Ne pas vouloir intégrer « Alien Resurrection » dans cette continuité et juste se faire plaisir avec des conventions mises à disposition est certainement le meilleur moyen d’aborder un nouvel opus.
Le résultat passe de plus l’épreuve du temps, puisque le film demeure un vrai délire visuel, avec son identité bien marquée, qui le différencie de la trilogie. S’il n’en atteint pas les cimes, il n’en reste pas moins sympathique. Après tout, comme on dit, la quatrième place, c’est un peu celle du con, alors pour se démarquer, le film se fait juste plaisir. Sans prétention mal placée, l’ensemble est totalement assumé et se permet même quelques petites expérimentations ici et là, comme les xénomorphes aquatiques. Et ça marche, puisque visuellement, le film laisse son empreinte.
Pas mal non ? C’est Français !
Sans volonté de révolutionner quoi que ce soit, à l’aide d’effet spécial vraiment canon pour l’époque (l’œuvre de Pitof), « Alien Resurrection » est devenu ce petit plaisir coupable un peu difficile à assumer, mais si bon à consommer. Le métrage accomplit même l’exploit de préserver les fondements du mythe et respecte totalement ses ainés, sans jamais se prétendre supérieur. Malheureusement, quelques années plus tard d’autres voudront s’imposer en nouveaux bienfaiteurs de la saga (dont Ridley Scott himself…), mais sans le talent ni la vision d’un Jean-Pierre Jeunet complètement allumé.
Alors, Ripley n’est plus vraiment Ripley, exit la terreur viscérale du premier volet, le grand spectacle bourrin du second appartient au 80’s, et la nature minimalisto-intimiste du troisième est annihilée. Mais cet apport de la French Touch azimutée des années 1990 compose un délire plus proche du space opera sous hallucinogène que d’un hard sci-fi premier degrés, en bref, saperlipopette qu’est-ce que c’est fun !
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