Ridley Scott, U.S.A, 2012, 124 min
1979 / 2012 mêmes combats ! Ou presque… Ou pas du tout ! Avec « Prometheus », Ridley Scott tentait, dans une démarche particulièrement maladroite et questionnable, de nous offrir une énième aventure dans l’univers d’Alien. Cette suite mal assumée s’avère finalement être une préquelle (tada !) qui ne dit pas son nom, dans une tentative de mettre en place une nouvelle mythologie dans un univers codifié duquel le film essaye tout pour s’en éloigner… Vous l’avez compris, Prometheus constitue une œuvre schizophrène, qui de sa préproduction à sa diffusion, à tout fait pour éviter d’être liée à « Alien », alors que ce n’en est qu’une préquelle, tout simplement.
Le métrage émet une volonté de brouiller les pistes et de créer un mystère inutile autour de « Prometheus » à jouer en sa défaveur lors de sa sortie. Puisqu’au lieu d’assumer totalement ce qu’il est, le film essaye de nouer des ambitions qui dépassent le cadre de la simple fantasy S-F un peu horrifique. Il cherche à se présenter comme une œuvre métaphilosophique sur les origines de l’humanité. Pour ce faire, les choses ont été vues en grand, et le film pouvait devenir un véritable chef-d’œuvre. Un réalisateur de prestige, un casting excellent en tout point, avec des comédiennes impliquées, une ambiance travaillée au millimètre, une histoire fascinante, un budget confortable et une attente certaine du public. Pourtant, le métrage rate complètement sa cible et se vautre juste devant l’autel de la réussite, pour mieux s’élever sur celui de la complaisance.
C’est Alien, mais ce n’est pas Alien, qui reprend Alien sans être Alien. Vous comprenez ?
« Prometheus » c’est un film malade qui ne trouve jamais son propre chemin. Il essaye de se démarquer constamment du poids d’une saga sans laquelle il ne pourrait exister, tout en passant son temps à y faire référence. Au final, on se retrouve devant une œuvre hybride qui ne semble pas assumer son héritage, mais qui veut absolument s’y rattacher… Vous l’avez compris, c’est très perturbant. De plus, le scénario témoigne d’une fainéantise incroyable et ne montre jamais à la hauteur des images magnifiques que nous propose papy Ridley et de ses ambitions, à l’instar de cette scène d’introduction d’une beauté macabre. Elle ne trouve pourtant pas d’échos dans la suite du film et semble au final bien illusoire. Que ce soit visuellement, comme fondamentalement, cette séquence donne l’impression d’exister uniquement pour impressionner.
Faire de l’image, ça Ridley Scott est compétent, pas de problème. D’ailleurs, à plus d’un égard, « Prometheus » impressionne. Mais dans un film, ce n’est pas tout, il faut aussi raconter une histoire, même simplement, avec un bon concept, ça marche. Le problème se situe dans la prétention de l’entreprise. Si dans le fond il ne fait que ressortir une version moins confinée que les « Alien » de 1979, dans son exécution il s’alourdit de tout un tas d’intrigues assez peu passionnantes. En somme, le récit par dans tous les sens, sans vraiment de logique, servit par des personnages assez mal développé et même particulièrement cliché. Ridley Scott tente une variation de son propre film en essayant d’expliquer des détails qui justement permettaient au premier « Alien » de se montrer aussi mystérieux. Ici, tout a besoin d’explication, rien n’est laissé à l’imagination, donc l’ensemble a peu d’intérêt.
Trop d’ambition pour une exécution bien trop classique
S’il n’est pas désagréable à suivre, « Prometheus » reste surtout très frustrant, notamment par le traitement de ses personnages. Leur potentiel se révèle important, mais se retrouve sans cesse relégué au rang de figurants de luxe. C’est le cas pour Charlize Theron, froide à souhait, elle offre une prestation dont le personnage n’est jamais à la hauteur, au point de disparaitre de manière ridicule dans une scène qui résume parfaitement un métrage vain. Complètement gâché également, le personnage d’Idris Elba en commandant de bord digne des plus grands capitaines au long court. Il ne sert que de love interest bidon et vite expédiés, dans une énième intrigue stérile, et a le droit à son moment de bravoure, là aussi inutile, mais spectaculaire. Tout le film se concentre finalement sur Noomi Rapace (toujours parfaite, rien à dire) et Michael Fassbender qui en fait des tonnes en android « naïf, mais pas tant que ça ». Et c’est à se demander pourquoi toute l’intrigue ne tourne pas qu’autour d’eux, le film n’en serait sorti que grandi.
Par son titre, « Prometheus » renvoie à la mythologie grecque, puisque Prométhée est un Titan ayant apporté le feu et les arts à l’humanité. Toute une réflexion tourne autour de ce mythe, avec la présence d’une espèce humanoïde à l’origine de l’espèce humaine. Puis un androïde est introduit, chargé de découvrir le secret de la vie éternelle, il se passionne par l’idée de devenir lui-même un dieu. Alors, ce parti pris aurait très bien pu se montrer passionnant, s’il ne se trouvait pas au milieu d’une série B de science-fiction à 130 millions de dollars. Si tout apparaît en effet grandiose et sert de décors à une intrigue qui cherche à intellectualiser la naissance des xénomorphes, tout ça finit par se court-circuiter. Le film semble toujours partir dans deux directions diamétralement opposées, où le fond et la forme se fracassent l’une sur l’autre.
Rendez-vous raté pour film oubliable
Néanmoins, le film promet quelques séquences vraiment haletantes, comme la découverte des œufs dans une grotte labyrinthique, qui est plus ou moins la même que dans « Alien ». Le crash spectaculaire d’un vaisseau, et une scène d’autocésarienne qui aurait pu tourner encore plus dégueux sans l’apport de CGI. Pour le reste, il y a quelques fulgurances ici et là, qui donne vraiment l’impression de se retrouver devant une excellente production. Pourtant il manque juste ce qu’il faut d’humilité pour transformer l’essai et établir une œuvre qui compte.
Impossible de ne pas tomber dans la comparaison avec l’autre Alien de Ridley Scott, qui démontre que des intentions bien plus minimalistes demeurent bien plus efficaces. Car, finalement les thématiques que cherche à exploiter « Prometheus » existent déjà en sous-texte dans « Alien », et comme le film est terrifiant, elles s’avèrent bien plus pertinentes. Il reste donc un petit goût d’inutilité un peu amer après le visionnage, puisqu’il y avait la promesse d’un renouveau d’une saga cultissime. Le résultat s’avère si loin de ses ambitions, et c’est tout au plus un bon film de Science-Fiction qui nous est proposé, à des années-lumière du « Alien » de 1979.
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