[REC]³ : Génesis

Paco Plaza, Espagne, 2012, 84 min

L’heure de la récréation est venue pour Paco Plaza et Jaume Balagueró (qui occupe ici le poste de Producteur créatif). Après un « [REC]2 » en demi-teinte et un accueil un peu froid, le changement de direction s’avère radical. Se déroulant en simultané des évènements du premier [REC], très rapidement la nature Found Footage est abandonnée, par une subtile (et fun) pirouette scénaristique. L’aspect Film d’Infectés se voit mis de côté puisque cette fois, Paco Plaza s’amuse avec les codes du Film de Zombie. Dans une bonne humeur communicative, entre délire burlesque et hommage à George A. Romero, le seul problème de « [REC]3 : Génesis », c’est son titre qui ne vend pas du tout le bon produit.

Une infectée dans [REC]3 : Génesis
« Vous venez pour le vin d’honneur ? »

Boudé par le public, il apparaît comme une œuvre horrifique très très sous-estimée, tellement il remplit les cases de tout ce qui compose un bon troisième volet. Le changement de cap, la non-redite des évènements précédents et un récit fort prenant permettent d’entraîner avec efficacité l’audience dans les méandres de l’horreur. Délire visuel particulièrement gore et généreux, il prend plaisir dans ce jeu de massacre débridé au contexte des plus tragiques. Les deux protagonistes doivent survivre, le jour de leur mariage, et dézinguer toute leur famille, avec tout type d’arme qui leur tombe sous les mains.

Finit le Found Footage, maintenant on parle Cinéma

Lorsque le film prend une tournure plus classique, il vient corriger le tir de ce que « [REC]2 » n’était pas parvenu à réaliser. Le récit se pose alors avec un début, un milieu et une fin, constitué d’une quête à remplir pour les [fraîchement] mariés : se retrouver. L’expérience devient tout autre et même tout l’aspect mythologique développé dans le précédent volet apparaît très secondaire. « [REC]3 : Génesis » peut d’ailleurs tout à fait être vu comme une œuvre à part entière et ne nécessite de connaissance approfondie de l’univers pour être apprécié.

La mariée et sa tronçonneuse dans [REC]3 : Génesis
« Time to cut the Pièce Montée ! »

Lorgnant sur tout un pan du cinéma gore des années 1980, Paco Plaza se fait plaisir et ça se voit. Comment rester insensible face à ce magnifique hommage à la saga « Evil Dead », lorsque la mariée prend les choses en main, bien décidée à s’en sortir et retrouver le marié pour quitter cet enfer ? Composée de plusieurs strates, la narration se concentre quasi exclusivement sur ce ressort. Cela appuie un romantisme inattendu, qui culmine lors d’un plan final dont l’horreur confère au tragique pour nous proposer une rare et magnifique conclusion, comme le cinéma horrifique en comporte peu.

Un vrai génie créatif

Une fois de plus, ce qui illustre la réussite du métrage, c’est que les personnes derrière la caméra maîtrisent leur sujet, sur le bout des doigts. Autant formellement que dans le fond, Balagueró et Plaza filment avec leurs petits cœurs de cinéphiles. Pour s’en convaincre, rien de plus simple, il suffit de prendre n’importe quelle production horrifique de producteur, car rien ne peut tenir la comparaison. « [REC]3 : Génesis » c’est un film d’auteur, dans le sens noble du terme, car ce qu’il propose est une œuvre de Cinéma avec un grand C comme Septième Art.

Leticia Dolera et Diego Martin dans [REC]3 : Génesis
« L’amour c’est regarder ensemble dans quelle direction arrivent les Zombies »

S’il ne révolutionne en rien son genre et ne marque pas plus que ça l’histoire du cinéma mondial (ou espagnol), il fait tout de même partie de ces œuvres grandement sous côtés qui tiennent la comparaison avec de grosses productions. Pour rappel, le budget avoisinant les 6,4 millions d’euros semble dérisoire, lorsque l’on sait que « Bienvenue chez les Ch’tis » en a coûté dix-sept millions. La comparaison se montre certes un petit peu fallacieuse, mais a pour but d’appuyer le fait que Paco Plaza et Jaume Balagueró opèrent avec peu de deniers. Une grande part de leur réussite réside dans l’expression d’un talent indéniable et un amour forcené pour le genre de cinéma qu’ils représentent.

Gore, con, potache, fun, fun et fun

Avec sa gaudriole et ses nombreux gags, « [REC]3 : Génesis » est à prendre comme une comédie horrifique. L’humour était certes présent dans « [REC]2 », mais fonctionnait mal, bridé par la nature très sombre de l’ensemble, au point d’apparaître en décalage. Au fun généralisé du métrage, s’accole comme thème principal l’amour, un leitmotiv qui fait avancer le récit, de l’épique scène de massacre génialement gore, jusqu’à sa conclusion en apothéose. Sans jamais oublier d’être drôle (les armures…), le film se permet également quelques petites séquences remplies d’émotions (la mama sous la pluie…) qui, une fois remises dans le contexte, rendent le tout particulièrement tragique.

La mariée et sa tronçonneuse dans [REC]3 : Génesis
Il y a du « Evil Dead » dans ce troisième « [REC] »

Cette œuvre à découvrir (ou redécouvrir), pour quiconque cherche un pur moment horrifique, se présente sans prise de tête, forte de thématiques et d’enjeux simples, voire même universels. Tout cela, situé à des lieues de l’aspect théologique du second volet. Quant au premier film, ce sont là deux projets diamétralement opposés qui n’ont en commun que les dix premières minutes du troisième. Ce dernier, parvenant à se trouver une identité propre, qui rend cette saga à la fois attrayante et passionnante, car elle réalise ce que peu de trilogies peuvent se targuer, surtout dans les années 2000.

« [REC]3 : Génesis » demeure la preuve que même lorsque des cinéastes laissent le sérieux de côté, il est possible de livrer de petits chefs-d’œuvre (non, le terme n’est pas trop fort) sans plus de prétentions. Toutes les attentes sont comblées, il serait donc idiot d’y bouder son plaisir.

Et vive les mariés !

Borja Glez. Santaolalla dans [REC]3 : Génesis
« Ça c’est ce que j’appelle un mariage ! » – Par le mec qui était pas invité

Pour en Savoir Plus

[REC]3 : Génesis sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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