Jaume Balagueró, Espagne, 2014, 94 min
Clap de fin pour la saga « [REC] », initiée par Jaume Balagueró & Paco Plaza, elle a su en l’espace de sept ans se renouveler en évitant toujours de proposer la même chose. Si « [REC] 2 » apparaît rétrospectivement comme un accroc dans la continuité, il n’en demeure pas moins un excellent film, sauvé par tout le développement de l’univers et son histoire de possession qui se mêle avec la science. La saga « [REC] » propose un concept rare, qui présente le théologique en plausibilité basée sur du fait. Pour cela, elle se démarque grandement de la production horrifique.
Après son troisième volet dédié au fun, une nouvelle orientation se dessine. Bien plus sombre et bien moins légère « [REC]4 : Apocalipsis » compose une conclusion fidèle à la saga, en approfondissant encore un petit peu plus tout l’univers autour. Cette fois, l’action se déroule dans un bateau isolé au large, dans lequel des scientifiques et des militaires cherchent un antidote au virus/démon qui a décimé un immeuble et une fête de mariage à Madrid.
Nouvelle suite, nouveau style
Le décor est déjà planté, ainsi que les personnages (plus ou moins), donc à Jaume Balagueró de se faire plaisir dans un petit jeu mortel de chat et la souris dans les couloirs sombres et étroits du navire. S’il manque une intensité dramatique (comme dans le 2), la mise en scène nerveuse, un gore cradingue et une imagerie iconique façonnent « [REC]4 : Apocalipsis » en excellent film d’Horreur, avec tout ce qui va bien. Sans être sans cesse à vouloir expliquer le pourquoi du comment, tous les éléments se mettent en place entre diverses séquences rondement menées, qui rendent l’ensemble absolument efficace.
Seul maître à bord (c’est au tour de Paco Plaza d’occuper le poste de Producteur Créatif) Jaume Balagueró revient à un style propre au sien, où l’obscurité, pilier de son cinéma, se retrouve magnifiée. Par un jeu subtil d’ombre et de lumière, il propose ainsi des séquences à l’enjeu resserré sur la survie des protagonistes. Cela permet de distiller une intensité proche de la fin de « [REC] », la caméra embarquée en moins. La mise en scène nerveuse sied en effet mieux au récit, comme à un arc narratif plus classique, mais des plus efficaces. Cette démarche met en lumière les limites de « [REC] », déjà atteintes à la fin du premier film. En effet (avec le 3 et le 4), Plaza et Balagueró déconstruisent ce qui illustre la marque de fabrique d’une saga dont le titre même se réfère à sa nature de « prise sur le fait ».
L’exploration d’un univers
Avec ce quatrième volet, à l’exception de quelques petits clins d’œil ici et là qui positionnent le film dans la continuité de la franchise, il n’y a rien de très appuyé (pas de « Wink Wink » ici). Ce qu’il révèle tout particulièrement, c’est que la mythologie et tout l’univers développé concentrent l’intérêt de Plaza et Balagueró. Les deux compères semblent d’ailleurs partager la même révérence pour George A. Romero, puisqu’une inspiration subtile semble prendre ici sa source dans « Day of the Dead » (1985).
L’exercice de style des deux premiers a servi à poser un décor, ce qui leur permet de s’amuser. Car sous son imagerie très sombre, « [REC]4 : Apocalipsis » demeure une œuvre jouissive, à bien des aspects, le côté référentiel de « [REC]3 : Génesis » bien moins appuyé. Pour exemple, la tronçonneuse iconique de la mariée se voit remplacée par l’hélice d’un moteur de zodiac. Une arme qui fait du dégât, et même si elle semble un peu plus complexe à transporter, n’en demeure pas moins bad ass et promet de gros moments foutraques, mais bien sanglants et finalement sacrément funky.
Tout est dans la qualité d’écriture
Dans son écriture même « [REC]4 : Apocalipsis » se révèle passionnant, puisqu’au départ il joue clairement avec les clichés. Chaque personnage correspond à une convention bien précise et agit en fonction : le vieux militaire juste et droit, le jeune militaire naïf, mais vaillant, la survivante aux abois, le capitaine en ciré et marinière, un scientifique louche et mystérieux, ainsi qu’un opérateur radio beauf et lourdingue. Cependant, l’intelligence du récit est de rendre difficile l’art divinatoire du « qui qui va mourir et qui qui va pas mourir ? ».
L’écriture intelligente ne se reflète pas que dans ses personnages, puisque Jaume Balagueró et son co-scénariste Manu Díaz proposent également divers arcs narratifs. Ils favorisent à la fois l’enchaînement des péripéties, mais aussi l’installation d’une tension permanente qui se referme petit à petit sur les survivants. Puis elle se réduit progressivement pour ne plus concerner qu’un seul aspect en fin de film : le parasite responsable du virus. Tout cela permet au métrage de se montrer audacieux et de ne jamais se reposer sur ses acquis.
Une œuvre bien trop sous-estimée
Si ce n’est pas le film du siècle et qu’il demeure en deçà du troisième et du premier volet, il offre une excellente conclusion à une saga originale et passionnante. Si elle s’avère encore récente, il sera intéressant d’observer dans quelques années quel statut ces quatre minuscules métrages auront aux yeux des aficionados. Car, leur singularité conserve leur fraîcheur au sein d’une production horrifique moribonde, pour le moment. En tous les cas, voici une série de films qui saura combler une soif d’Horreur par sa richesse et sa générosité, à l’instar du bouquet final de cette superbe conclusion qu’est « [REC]4 : Apocalipsis ».
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