The Blackening

Tim Story, U.S.A, 2023, 96 min

« We Can’t All Die First », clame la catchline de l’affiche « The Blackening », un film d’Horreur réalisé par Tim Story, dont tous les protagonistes sont des Afro-Américains. Cette petite phrase fait bien entendu référence à un cliché apparu dans les années 1980, dans la production horrifique hollywoodienne, alors que des acteurices afros accédaient de plus en plus à des rôles au cinéma. Cette industrie, dominée par de vieux mâles blancs, n’escomptait pas vraiment leur proposer les têtes d’affiche. Non, leur sort était réservé à des rôles secondaires, et bien souvent le droit d’être le premier personnage à rendre son dernier souffle.

Tous les protagonistes de The Blackening, la tête inclinés
Le casting particulièrement investi, en fait beaucoup dans la réussite du film

En 1997, dans le « Scream 2 » de Wes Craven, ce cliché est déjà allégrement moqué. Cela montre que c’était d’une, un élément inhérent au slasher, et de deux, c’est devenu immédiatement un trope reconnu et critiqué. C’est sur ce principe que se construit « The Blackening », un slasher 100 % afro, qui sur le ton de la comédie se moque des figures de style de tout un genre, en se réappropriant des personnages culturellement identifiés comme blancs. Bien évidemment, les critiques envers le film se montrent assassines, puisque nous vivons dans un monde raciste, et même le slasher visiblement n’a pas le droit au « race swap ».

Blanc Bonnet et Bonnet Noir

Le métrage vraiment bien écrit par Tracy Oliver et Dewayne Perkins (qui y joue aussi un rôle) se moque totalement de ce point. Il apporte ainsi une réflexion sur la pertinence de la couleur de peau. À partir du moment où l’idiosyncrasie d’un personnage correspond parfaitement aux codifications qui le font rentrer dans les cadres du genre où il évolue, c’est la personnalité, le background et l’expérience qui importent. Ainsi, le film de Tim Story met en exergue toute l’absurdité de ces abrutis qui chouinent au quotidien parce que la couleur de peaux de leurs personnages favoris a changé. Big up aux bébés ouin ouin qui ont passé des mois à verser des larmes de sel pour Ariel la Petite Sirène et les Incel qui n’ont pas supporté de voir Albert Wesker devenir Noir sur Netflix.

Jermaine Fowler dans The Blackening
Jermain Fowler apporte une partition comique inoubliable

« The Blackening » représente un vrai plaisir de comédie horrifique, un sincère hommage, particulièrement respectueux, au genre du slasher, et c’est la garantie de passer à un excellent moment. Les personnages sont tous issus des stocks characters (des archétypes du cinéma américain) bien définit, qu’il est facile d’identifier. Chaque protagoniste à son rôle et ses spécificités, et c’est pour ces raisons que regarder des slashers est un plaisir coupable. C’est de voir comment les cinéastes s’en sortent avec un genre extrêmement codifié, qui n’a absolument plus rien à offrir, et qui pourtant se réinvente sans cesse depuis quarante ans.

Bien moins débile qu’il n’y paraît

Mais sous la gaudriole affichée, se cache bien évidemment un contexte sociopolitique ultra pertinent. Clairement, Jordan Peele a ouvert une porte en 2015 avec « Get Out », qui en plus de recourir à l’Horreur, proposait également une satire virulente. Avec « The Blackening », le principe s’avère le même, mais le procédé diffère. C’est par des petits détails, des petites blagues, des punchline bien senties, des références et des gags, que le malaise de la société américaine transparaît. Sans se prendre au sérieux une seconde, en offrant un spectacle divertissant et fun, le métrage se révèle particulièrement engagé.

Diedrich Bader et Melvin Gregg dans The Blackening
« Vos papiers s’il vous plait. »

Pour exemple, le Ranger présent dans le film est blanc. Sur son badge, son nom est écrit « B. White ». Dans le chalet qu’occupent les protagonistes pour leur week-end, il y a un drapeau confédéré, symbole devenu emblématique du racisme systémique, présent dans une pièce. Pris en otage par un tueur sanguinaire, les personnages sont conviés à un jeu macabre, qui les pousse à définir lequel d’entre elleux est le plus « black »… Et ce n’est là que trois exemples. Le film est jonché de ce genre de gimmick, qui en plus de le rendre riche et amusant à suivre, vient nous raconter quelque chose sur ce que c’est que d’être Noirs aujourd’hui aux USA. Ça marche aussi pour la France… Et l’Occident dans son ensemble en fait…

The Blackening est un excellent Slasher. Point.

Pas de spoil, donc l’auteur de ces lignes ne dévoilera pas la blague la mieux sentie du métrage, puisqu’en plus elle arrive juste avant le générique. Mais la teaser vous donnera peut-être envie de regarder cette petite comédie horrifique rafraîchissante. Il s’avère également plaisant de pouvoir voir un objet militant utiliser les armes de la Pop Culture, en empruntant des chemins extrêmement balisés. Loin d’être un spécialiste, l’auteur de ces lignes (encore lui) apprécie particulièrement le slasher, et en a vu beaucoup trop, et il peut affirmer que « The Blackening » est certainement l’un des meilleurs qu’il ait regardés. Pourquoi ? Mais il va vous le dire !

Des personnage de The Blackening hésitent à appuyer sur un truc.
Si ça c’est pas un plan digne d’un Slasher, franchement !

Tout d’abord, le film s’aventure dans la frontière poreuse qui borde le Slasher et le Survival. Il donne ainsi satisfaction dans la représentation de son tueur, directement inspiré de Jason Voorhes (le thème est même repris, il n’y’a pas de mystère). Mais, il plonge ses personnages dans un environnement étranger, dans un milieu de redneck qui aurait très bien pu fonctionner dans un « Massacre à la Tronçonneuse ». Ensuite, la police est incompétente, et en plus, elle est raciste. L’écho avec l’actualité est frappant et drôle, alors qu’elle évoque quand même du drame. Mais c’est là l’une des constantes du slasher, cibler de gros problèmes avec légèreté. Pour vous en convaincre, revoyez « Scream ».

Le tueur dans The Blackening
« Le chanteur de Slipknot, avec un magnétoscope, dans la salle de bain ! »

« The Blackening » met en opposition deux mondes. Dans les années 1980, c’était une dichotomie (oui, j’ai utilisé ce mot) entre générations, avec une incompréhension entre les vieux et jeunes. Ici, c’est une rupture entre deux Amériques qui est mise en scène, ce qui revient exactement à la même chose. Le tueur élabore des stratagèmes alambiqués pour ses meurtres et les personnages évoluent avec l’intrigue. Bon, il serait possible de prendre le film à la loupe, scruter le « Halloween » de Carpenter et dresser tous les parallèles. Mais d’une, sans problématique claire ça n’aurait pas d’intérêt, et puis il faut savoir aussi apprécier le film pour ce qu’il est, et non pas (que) pour ce qu’il représente.

The Afro-americans Strikes Back

Depuis maintenant une dizaine d’années, de nombreux cinéastes afro-américains s’emparent de plus en plus des genres hollywoodiens qui étaient jusque là réservés à l’Américain blanc lambda. Du Western au film d’Horreur (ou les deux, merci Jordan Peele), il y a ainsi une réappropriation du mythe américain par la communauté noire, qui écrit à son tour son histoire au cinéma. Si cela est encore récent, chaque année il y en a un peu plus, et ça démontre qu’un changement radical s’opère. Cela explique aussi pourquoi les conservateurs et l’extrême-droite se crispent de plus en plus. « The Blackening » est un parfait exemple de ce phénomène.

Un visage caricaturale particulièrement raciste d'une figurine dans The Blackening
Comme dans les « Tales From the Hood« ,
il y a un appel à la culture raciste et les clichés ancrés.

Mais voilà, la mise en scène tout en hommage de Tim Story, le script drôle de Tracy Oliver et Dewayne Perkins, plus l’énergie des comédiens et comédiennes, contribue de faire du métrage un grand moment de slasher humoristique. C’est un vrai film d’Horreur, avec un authentique message social derrière un parallèle avec l’angoisse du quotidien. Le tout est mélangé dans une œuvre de fiction qui se joue des absurdités de plus en plus risibles de notre temps (même si malheureusement, elles continuent de tuer). Avec son petit message anti-police et anti-fédérale, d’un minuscule trip horrifique, on se retrouver avec un grand cri engagé. Franchement, foncez !

Pour en Savoir Plus

The Blackening sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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