Beau is Afraid

Ari Aster, U.S.A, 2023, 180 min

« Beau is Afraid » est un cauchemar. Ce n’est pas juste un film cauchemardesque. « Beau is Afraid » c’est littéralement un cauchemar, de ses premières secondes à son générique de fin, il est impossible d’échapper à l’horreur qui est mise sous nos yeux. Véritable film d’Horreur dans la plus pure notion du terme, cette nouvelle fantaisie est distribuée par la société A24. Ces dernières années, elle est à l’origine d’un bon paquet de films de genre, devenus synonymes de qualité.

Joaquin Phoenix dans une chambre rose dans Beau is Afraid
Une certaine idée du cauchemar…

Ce cauchemar s’avère signé par un habitué du genre, puisque le réalisateur derrière la caméra est Ari Aster. Ses deux précédentes productions, déjà bien percutantes, portaient en elles les éléments inhérents à tout bon cauchemar. L’occultisme servait de moteur au terrifiant « Hereditary » en 2018, et les célébrations païennes de « Midsommar » en 2019, étaient un véritable carburant pour songes les plus macabres. Cette fois, avec « Bau is Afraid », Ari Aster met en scène un long cauchemar de trois heures, sans aucun répit, qui ne fera que vous rappeler vos pires nuits.

Ari Aster : votre pire cauchemar

Tout commence lorsque Beau, un ancien pensionnaire d’une institution psychiatrique, retourne à la vie civile, avec une volonté de se réintégrer à la société, avec un nouveau médicament en poche. Et voilà, sur ces quelques mots, débute un trip cauchemardesque à la fois terrifiant et terriblement drôle. Beau doit se rendre d’un point A à un point B, soit la chose la plus simple du monde, si ce n’est que bien entendu rien ne se passe comme prévu. Les péripéties s’enchaînent au doux rythme des hurlements d’un Beau halluciné, se déplaçant de séquence en séquence à une cadence effrénée.

Joaquin Phoenix dans Beau is Afraid
Joaquin Phoenix campe magistralement un Beau qui prend cher pendant 3h…

Le métrage se constitue de multiples tableaux, avec une ambiance bien précise, qui justifient la mise en place du propos qui sert de fil rouge à l’ensemble du récit. Chacun de ses tableaux est donc doté d’une fonction, qui en plus d’en balancer absolument plein la tronche à ce malheureux Beau, permettent d’entrer dans sa psyché. Cette dernière semble foutre totalement le camp, au point de se demander si ce n’est pas nous qui devenons fous devant ce film, ou si c’est juste Beau qui est sacrément esquinté.

Une aventure hors normes

Au départ, le récit s’attarde sur des éléments inhérents au quotidien et ces peurs omniprésentes auxquels nous ne faisons plus attention, mais qui deviennent bien réelles lorsque l’on y pense. Ces éléments que l’on retrouve dans nos rêves les moins marrants, qui prennent des proportions totalement absurdes, et qui au cumulé nous livrent un bon gros cauchemar comme on aime. Puis le récit avance et les péripéties s’enchaînent, alors que Beau s’enfonce dans ses angoisses. Ça devient tellement étrange, que c’est comme si nous étions invités directement par Ari Aster pour assister à son propre cauchemar.

Joaquin Phoenis dans un décors dessiné dans Beau is Afraid
Ari Aster se permet quelques audaces visuelles envoûtantes

L’ambiance est développée de telle sorte qu’il est difficile de les décrire. Les enchaînements ignorent tout du naturel et ne font parfois aucun sens. Ces histoires impalpables, où toutes les règles de la réalité s’émancipent, pour ne plus laisser planer qu’une ambiance hors de tout réalisme tangible. Ari Aster a vraiment bien compris comment mettre en image ces aventures nocturnes qu’il est parfois impossible de décrire avec des mots, tellement rien n’a de cohérence. Et bien par le langage cinématographique, en créant sa propre logique, le réalisateur parvient à donner du corps à l’ensemble. Il construit une histoire qui ne tient pas la route par sa cohérence visuelle, mais par le développement soutenu de ses thématiques.

Juste une histoire de culpabilité

Comme c’était le cas dans ses deux précédents films, Ari Aster aborde une nouvelle fois le traumatisme. Par l’entremise de Beau et de sa relation avec sa mère, le cinéaste tisse la toile de fond de son œuvre, qui inlassablement en revient toujours au lien du protagoniste et de sa maman. Les sentiments s’avèrent mixtes, puisqu’en plus le film ne dévoile jamais vraiment les raisons du pourquoi et du comment. Beau ressent de la culpabilité, mais aussi une forme de colère envers sa mère, qui apparaît comme un personnage obscur, et n’est présenté que dans la psyché de Beau. Mais il suffit de se rappeler le propos de « Hereditary » pour bien comprendre où veut en arriver Aster.

Beau sur un échaffaud avec une pub en arrière plan où il est écrit "Jesus Sees Your Abominations"
Une autre idée du cauchemar…

Beau est désolé d’exister, il affronte la vie avec une peur permanente, qui l’empêche de profiter de quoi que ce soit, mais surtout, il avance à contre temps du reste monde. Tout le récit qui est mis en place ne concerne que sa quête pour comprendre son mal être et les raisons de son décalage. Ainsi, une fois de plus Ari Aster présente un personnage brisé par l’existence. Écrasé sous le poids d’une pression, Beau n’arrive pas à la soutenir et ça le broie toujours un petit peu plus, dès qu’il essaye d’agir comme il pense le mieux. Le film peut dès lors être vu en métaphore de la condition mentale, de la dépression, de l’autisme, et de toute autre pathologie psychiatrique, créés ces dernières années pour éviter de remettre la société bâtie en question.

Un trip halluciné de A à Z

Ari Aster démontre encore une fois tout son talent de mise en scène. Les plans sont propres et particulièrement évocateurs, le rythme est effréné, même dans ses moments les plus lents et il ponctue son métrage de fulgurances gores terriblement efficaces. Le cinéaste reste dans l’absolue continuité de ses deux précédents essais, avec ici une pointe d’humour qu’il n’avait pas exploitée jusqu’à présent. Avec sa dimension cartoonesque, « Beau is Afraid » ressemble vraiment à une farce gigantesque, mise en boite par un réalisateur en mode récréation.

Des gens flippants dans un couloirs mal éclairés dans Beau is Afraid
L’Horreur du quotidien… La pire de toute !

La prestation de Joaquin Phoenix demeure en ce sens géniale. Si le comédien ne pousse pas vraiment son talent et se contente de jouer le gars bizarre, avec les mêmes bases que dans « The Master »  de Paul Thomas Anderson en 2012, il la délivre avec une vraie conviction. Avec sa tête d’halluciné et ses expressions de type complètement pommé, il livre une prestation tout aussi cartoonesque que l’ensemble, qui le rende indissociable du récit. Comme Toni Collette et Florence Pugh avant lui, il sert de pilier à la narration et Ari Aster l’utilise de la meilleure des façons pour sublimer la totalité du métrage. Et ça marche du tonnerre.

Trop de générosité peut tuer le public

« Beau is Afraid » est une œuvre absolument géniale, là-dessus il n’y a rien à redire. Le truc est, elle souffre exactement du même défaut que « Midsommar », à savoir, un trop-plein de générosité. Ari Aster n’est pas seulement un cinéaste de l’extrême dans sa représentation de l’Horreur au cinéma, c’est également un cinéaste extrêmement généreux. Ses productions sont longues, elles prennent le temps, et sont remplies de séquences toutes aussi iconiques les unes que les autres. Dans le cas de « Midsommar », il n’y a qu’un lieu et des personnages bien identifiés, donc ça passe.

Joaquin Phoenix en vieux Beau
Beau est-il condamné à vivre son cauchemar ad-vitam eternam ?

Le problème dans « Beau is Afraid », c’est que le film part dans absolument tous les sens. Et si c’est jouissif, ça peut se montrer aussi un peu fatigant. Il y a une surenchère dans l’action et dans l’absurde, et une multiplication de personnages et d’histoires parallèles, qui font saturer l’ensemble. Sur trois heures de temps, une masse d’informations arrive très vite, et elle doit être traitée tout aussi rapidement. Dans cet univers, rien ne fait sens et la cohérence est autant crédible que Francis Lalanne en politicien. Le film demande donc un certain investissement.

Une expérience pas si facile d’accès

Ce troisième film d’Ari Aster se révèle en œuvre exigeante, qui demande de nombreuses contributions à quiconque la regarde. Il faut accepter énormément de choses tout au long du récit, et ce, jusqu’à la fin. « Beau is Afraid » n’est pas une œuvre facile d’accès, car ce n’est pas seulement un film d’Horreur, c’est aussi un trip cinématographique, un exercice de style par un cinéaste qui a voulu s’éclater. Il est donc peut-être mieux de découvrir d’abord ses deux premiers films, et de voir comment ça se passe. Il serait dommage de se dégoûter devant cette massive pièce d’absurdisme onirique qu’est « Beau is Afraid ».

Un visage masqué dans Beau is Afraid
Le meilleur de Beau is Afraid : son étrangeté permanente.

N’en demeure que ce troisième métrage illustre aussi la confirmation qu’Ari Aster incarne, au même titre qu’un Jordan Peele, l’avenir du cinéma horrifique made in Hollywood. C’est une véritable bouffée d’air frais dans une production qui oscille entre grosse machine insipide et mini produit fauché. « Beau is Afraid » opère la jonction parfaite entre les deux, tout en offrant une radicalité jouissive dans sa manière d’apporter l’horreur à son public. Si un jour vous trouvez la force en vous, et que vous êtes d’accord de vous faire déstabiliser avec un gros morceau indigeste de cinéma de genre, alors ce film est fait pour vous. Sinon, il vous reste « Insidious 6 ».

Pour en Savoir Plus

Beau is Afraid sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

No comments

Laisser un commentaire

LES DERNIERS ARTICLES

145