Hereditary

Ari Aster, U.S.A, 2018, 127 min

Il existe des films qui parfois vous bousculent. Totalement inattendus, ils viennent vous cueillir, comme ça, sans prévenir et sans crier gare. « Hereditary » en fait partie. Premier long métrage, surprenant, d’Ari Aster, auteur de nombreux courts-métrages (je n’en ai vu aucun, mais il me tarde d’aller découvrir tout ça !), il propose une expérience de cinéma devenue beaucoup trop rare à Hollywood.

Milly Shapiro dans Hereditary
Milly Shapiro incarne la cadette d’une famille dysfonctionnelle

Le récit présente l’histoire comme un drame familial, dans une famille de l’Upper class américaine, semblant bien sous tous rapports, mais totalement dysfonctionnelle. Le film aborde des sujets peu communs, associés à d’autres plus dans l’air du temps. Proposant ainsi une vitrine de l’aliénation inhérente à nos sociétés occidentales modernes. Le deuil, le rejet, la différence, l’introversion, la perte de communication, la transmission, le poids de la tradition, le respect de valeurs obsolètes, et l’ignorance (pour ne pas faire fasse la réalité)… Voilà autant de thèmes qui parcourent « Hereditary ».

Dans la lignée des plus grandes productions horrifiques

L’un d’eux s’avère certainement une preuve de l’audace sans limites d’Ari Aster, qui ne trouve d’équivalent que dans L’« Exorciste » de William Friedkin en 1973. À savoir, le rejet de l’enfant par un parent qui n’aime pas sa progéniture, un sujet très tabou rarement exploité au cinéma. Pourtant dans la vie de tous les jours, c’est un fait qui peut se vérifier, malheureusement bien plus souvent qu’on ne le croit. En utilisant ce biais, pour mettre mal à l’aise son spectateur, Ari Aster installe une ambiance délétère, qui ne fait que se dégrader, au fur et à mesure que le récit avance. Et place en son cœur cette thématique nauséabonde, dans une œuvre horrifique ambitieuse et magistralement menée.

Alex Wolff dans Hereditary
Alex Wolff dans le rôle d’un enfant détesté par sa mère…

Sous ses airs de drame familial, le fantastique, et l’épouvante (c’est avant tout un film qui fout la trouille) sont savamment distillés, perdant l’audience dans les sombres recoins du métrage par un rythme lent. Parfois contemplative, la mise en scène d’Ari Aster compose une atmosphère des plus particulières. Loin des Jump scare à deux balles, et des effets faciles, c’est en immiscent le spectateur au cœur de cette famille qui tourne pas rond, que la peur s’installe petit à petit, à l’aide d’une réalisation consciente de ses modèles. Elle est remplie de petites trouvailles géniales, comme les transitions jours/nuits magnifiques (mais ça, c’est mon côté Jacquouille). C’est incroyable qu’« Hereditary » ne soit pas plus souvent cité tel un nouveau classique du septième art, demeurant de fait un film de niche pour les amateurs du genre.

Une œuvre d’une qualité rare

Avec son casting qui claque, Toni Colette et Gabriel Byrne, quand même, il est resté un peu éloigné d’une exploitation plus mainstream. Cela témoigne aussi du malaise actuel, dans un Hollywood préférant tout miser sur des œuvres génériques, que le public peut aborder sans difficulté. Reléguant les tentatives originales à des réseaux parallèles. Il y a 30 ou 40 ans, « Hereditary » aurait bénéficié d’une sortie salle de grande ampleur, comme une œuvre de série A. Mais les temps changent, et aujourd’hui, même le cinéma indépendant, proposant des séries B de qualité, peut sortir une production aussi aboutie.

Toni Collette dans Hereditary
L’interprétation de Toni Colette est digne de tous les Oscars du Monde !

Dans la lignée de « The Lords of Salem » de Rob Zombie, ou « The Witch » de Robert Eggers, « Hereditary » est le témoin qu’à Hollywood il y a encore des gens qui savent offrir des films de genres dignes d’intérêt. L’Horreur et l’épouvante semblent avoir de beaux jours devant eux. C’est également dans l’ignorance la plus totale qu’est sorti « Midsommar » à l’été 2019. Du même Ari Aster, il offre pareillement un grand moment de terreur cinématographique. Et ça fait du bien, de temps en temps, de se dire qu’Hollywood n’a pas encore totalement sombré. N’attendez plus, à vos nuits blanches ! Vite !

Pour en Savoir Plus

Hereditary sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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