The Lovely Bones

Peter Jackson, U.S.A, 2009, 135 min

Après une collaboration avec Robert Zemeckis dans les années 1990, le succès mondial de « The Lord of the Rings », puis un remake de passionnée, ce n’était qu’une question de temps avant que Peter Jackson ne tape dans l’œil d’un autre fanatique de King Kong : Steven Spielberg (revoir pour cela « The Lost World : Jurassic Park »). Adaptée d’un ouvrage exigent et difficile à lire, pour sa représentation et sa description très crue d’un viol suivi du meurtre d’une adolescente, dès le départ, la tonalité de « The Lovely Bones » tranche avec le texte d’Alice Sebold. Le parti pris ne cherche pas forcément à aseptiser le propos, mais plutôt à le rendre accessible au plus grand nombre, ce qui au vu du sujet s’avère audacieux et salutaire.

Stanley Tucci dans The Lovely Bones
Une esthétique inquiétante, qui traduit toute la complexité du sujet

Avec une esthétique très propre, presque magique, Peter Jackson propose une œuvre qui n’est pas sans rappeler « Heavenly Creatures », dans sa conception, et de son traitement d’un fait divers sordide, perçu par le regard de jeunes filles. Ici, la protagoniste Susie (superbement interprété par Saoirse Ronan) est la victime d’un prédateur (terrifiant Stanley Tucci), et observe de l’au-delà les répercussions de sa disparition dramatique sur sa famille. Sur plus d’un point, le parti pris esthétique de Peter Jackson se révèle payant, alternant les séquences terribles de la réalité, avec des passages fantasmagoriques où Susie apprend à accepter son trépas.

Un conte horrifique sur l’enfance

Il n’est pas bien compliqué de percevoir ce qui a pu attirer Steven Spielberg vers ce projet, tant le film prend les airs d’une ode à l’enfance, et une célébration de la vie par le biais d’un événement horrible et non naturel. Il s’y retrouve en effet de nombreuses thématiques abordées tout au long de sa carrière. Cependant, il n’occupe ici que le poste de producteur et son influence ne semble pas particulièrement prépondérante, tellement le film ressemble bien à du Peter Jackson. Il comporte en effet ce qu’il y a de meilleur dans ses mises en scène, mais aussi malheureusement ce qu’il y a de beaucoup moins bon.

Stanley Tucci et Saoirse Ronan dans The Lovely Bones
Le prédateur et la proie…

Toujours écrit en collaboration avec Fran Walsh et Philippa Boyens, tout dans cette entreprise est calibré pour plaire. C’est même une envie de spectateur de vouloir apprécier ce film. Le problème réside dans un résultat final bien loin des espérances promises, à la fois par les personnes derrière la caméra et par le sujet (peu évident il est vrai). Même toutes les meilleures intentions du monde ne permettent pas de sauver l’ensemble d’un métrage inégal, qui se perd souvent entre ce qu’il veut raconter et ce que son auteur souhaite illustrer à l’écran. Bien plus à l’aise lors des séquences fantastiques, Peter Jackson peine à insuffler de l’intérêt aux moments qui suivent la famille survivante de Susie, et la quête pour retrouver le monstre responsable de l’odieux crime, par un père aux abois. Ce dernier est joué par un peu convaincant Mark Wahlberg, pas fait pour ce genre de rôle, dont l’alchimie avec Rachel Weisz (la mère) ne prend jamais.

Un sujet complexe et un traitement qui l’est tout autant

Alors, « The Lovely Bones » se regarde tout de même avec une certaine curiosité, ne serait-ce que pour son sujet qui dans le cinéma populaire contemporain n’est pas abordé aussi frontalement. Mais à trop vouloir arrondir les angles, l’ouvrage d’Alice Sebold subit une forme de Disneyisation qui amoindrit la portée du message, et la seconde moitié du métrage perd beaucoup en intérêt. L’image trop lisse, colorée et ultra-saturée (moche ?), demeure identique dans la réalité et dans l’au-delà, dont la différence vient des fonds verts pas forcément bien incrustés, et des effets spéciaux pas toujours à la hauteur.

Mark Wahlberg dans The Lovely Bones
Mark Wahlberg en père désemparé

Clairement, ce qui intéresse le plus Peter Jackson ici, c’est l’aspect fantastique du récit, sur lequel il semble apporter le plus de soin. Le problème est, et c’est symptomatique de tout le métrage, que toute la puissance évocatrice et émotionnelle se voit désamorcer par une contradiction entre ce qui est raconté et ce qui est montré. Si les séquences oniriques s’avèrent belles, elles dissonent avec le reste, et créent un inconfort de spectateurices, car par moment on ne sait plus exactement devant quoi on se trouve. C’est à la fois dommageable pour le message véhiculé, qui se perd en confusion, mais aussi pour la portée du film en tant qu’œuvre, confuse et maladroite.

Un film bancale, mais loin d’être inintéressant

Cette première expérience américaine ne s’avère pas vraiment payante pour Peter Jackson, dont l’air de son île semble mieux lui convenir. Tourné en Pennsylvanie c’est la seule production (à ce jour) que le cinéaste néo-zélandais a tournée en dehors de son pays natal. Alors oui, c’est certainement un détail, mais dans ce qui semble (en 2009) son œuvre la plus faible et la moins aboutie, il est tout de même légitime de se poser la question sur la réussite de ce dépaysement. Jamais vraiment à l’aise avec son récit, ni sur comment le présenter, le scénario se perd trop souvent dans une accumulation de cliché sans dimension.

Rachel Weisz dans The Lovely Bones
Rachel Weisz incarne la mère de l’adolescente disparue

Heureusement, le métrage est tout de même sauvé par Saoirse Ronan et Stanley Tucci, qui livrent tous les deux des prestations marquantes, mais dont le film ne se montre jamais à la hauteur. Il en est de même pour Susan Sarandon (la grand-mère) qui apporte un aspect comique détonnant, se mariant bien avec le sérieux du propos. Cela démontre une fois de plus que Peter Jackson sait toujours disséminer une forme d’humour bienvenue, même lorsqu’il aborde des sujets aussi sensibles.

Susan Sarandon dans The Lovely Bones
Susan Sarandon est une grand-mère haute en couleur

Si en effet le film bascule plus souvent dans le grotesque que dans la finesse, il n’en reste pas moins un objet singulier. C’est une œuvre radicale, de l’Horreur psychologique avec une thématique encore trop rare dans le cinéma hollywoodien populaire, contrairement à un monde où ces déviances sont un peu trop fréquentes. Pour l’audace de la démarche et le courage de proposer une œuvre grand public sur un fait de société qu’il est plus facile de considérer avec des œillères, l’intention de « The Lovely Bones » se révèle digne d’une certaine attention. De plus, les noms affiliés à sa production lui permettent une visibilité que d’autres métrages sur le sujet n’ont pas. Il est donc dommage que le résultat final se présente aussi peu abouti, et manque cruellement de texture, pour marquer son point.

La folie de Peter Jackson aux abonnées absentes

D’une position sociétale, le film apparaît d’une importance primaire, et en ce sens il demeure nécessaire de le voir et de le partager. Cinématographiquement parlant c’est en demi-teinte, surtout après ce que Peter Jackson s’est montré capable, notamment avec « King Kong ». Certainement plus à l’aise dans le divertissement d’envergure, il lui manque la maîtrise d’un traitement plus intimiste, dont il avait pourtant su faire preuve avec « Heavenly Creatures » dont le spectre hante lui aussi ce métrage. Cependant, ce n’est pas foncièrement mauvais, loin de là, surtout à la lumière des intentions qui l’ont mené jusqu’au grand écran, et qui se révèlent plus que positives.

Mark Wahlberg et Stanley Tucci dans The Lovely Bones
L’Horreur du récit suinte à chaque séquence

« The Lovely Bones » aurait sûrement gagné s’il avait été adapté par le Peter Jackson moins consensuel des années 1990. Mais devenu une importante figure d’Hollywood, il se décèle chez le cinéaste une petite fatigue cinématographique. La magie présente dans ses précédentes productions lui fait ici cruellement défaut, et annonce un déclin artistique. En soi, cela n’est pas négatif, car après plus de dix ans passés sur « The Lord of the Rings » et « King Kong », il aurait juste fallu un peu plus de repos à l’aficionado du short/claquette, avant ce projet ambitieux nécessitant plus de soin et de recul. Il en reste un drame plus que correct et une belle histoire humaine, qui doivent certainement plus au matériel de base d’Alice Sebold, qu’à l’adaptation cinématographique à l’ampleur réduite.

Pour en Savoir Plus

The Lovely Bones sur IMDB

The Lovely Bones sur Rotten Tomatoes

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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