Absentia

Mike Flanagan, U.S.A, 2011, 91 min

Première véritable réalisation de Mike Flanagan, produite en partie par la plateforme participative Kickstarter, « Absentia » consiste en une variation sur le thème du film de fantôme, par le biais d’une démarche originale. Estimée à 70 000 $, c’est une œuvre semi-professionnelle, avec tout ce que cela implique, une économie de décors, de moyens, des acteurs amateurs, mais une terrible envie de bien faire. Ses trois premiers films correspondent à du travail universitaire, ce qui les rend difficiles à trouver, il est possible de considérer le début de la carrière de Mike Flanagan avec ce « Absentia ». D’autant plus que ses précédents exercices ne possèdent pas de lien avec l’épouvante, un genre dans lequel il se spécialise depuis maintenant une décennie.

Deux personnages dans un tunnel, dans Absentia
Tout commence dans un décor le plus minimaliste qui soit…

Avec son ambiance lourde, sublimée par la lenteur du métrage, « Absentia » permet à tout spectateurices d’observer la richesse des plans, afin de livrer un effort d’imagination. Toute la construction du film repose sur cette attente proposée à l’audience, avec plusieurs pistes fournies tout au long d’un récit volontairement confus, qui ne remplit pas toutes les zones d’ombres. Savoir si ce qu’il se passe à l’écran est vrai ou tiré de l’imagination des personnages devient l’enjeu principal de ceux et celles qui se prêtent au concept.

Un récit à la croisée des réalités

« Absentia » propose à la fois une explication « réaliste » et son penchant « fantastique ». Jamais le métrage ne tranche clairement entre ces deux idées, organisant un véritable tourbillon psychologique qui détruit petit à petit des protagonistes qui eux non plus ne savent plus quoi croire. L’incrédulité est provoquée par la réapparition de Daniel, porté disparu depuis sept ans, qui réapparaît devant chez lui, vêtu à l’identique du jour de sa disparition. Même s’il apparaît faible et déboussolé, il n’a pas changé physiquement.

Courtney Bell et Katie Parker dans Absentia
la dualité entre le surnaturel et le naturel et en une image

Le problème réside dans cette réapparition inopinée, qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour sa femme Callie, qui en sept ans est parvenue à accomplir son deuil et a essayé de reconstruire sa vie. Elle vit avec sa sœur toxicomane, qu’elle aide à s’en sortir, et fréquente un inspecteur de police. Le retour de Daniel vient perturber le quotidien de Callie, qui ne sait pas trop si elle doit se réjouir de cette réapparition soudaine. D’autant plus que son mari semble très différent.

Minimaliste dans la forme, mais riche dans le fond

Oscillant sur plusieurs thématiques, « Absentia » aborde à la fois le chagrin dû à une disparition, entraînant le deuil, puis l’acceptation. Tout le récit tourne ainsi autour de Callie, et de l’explosion de la cellule familiale. Le retour de son époux devrait constituer une bonne nouvelle, mais cela va au contraire compliquer un quotidien normalisé avec le temps. Parallèlement à la disparition et la réapparition de Daniel, il est expliqué que le quartier où se déroule l’action est sujet depuis de nombreuses années à des disparitions étranges. Que ce soit des animaux qui disparaissent en masse, ou bien des personnes. Tricia, la sœur toxicomane de Callie, réalise cette étrangeté liée à la rue où elles vivent, mais du fait de sa condition de toxico », personne ne l’écoute ni ne la prend au sérieux.

Courtney Bell  et Morgan Peter Brown dans Absentia
« Je ne crois que ce que je vois, alors je ferme les yeux, c’est bien plus facile comme ça! »

Entre alors en jeu une autre thématique, celle de la perception altérée. Callie n’est pas écoutée parce qu’elle a un problème avec l’alcool et fume du cannabis. Pourtant, elle est la seule à se rendre compte d’un souci, qu’une police incompétente demeure incapable d’éclairer. La drogue et l’alcool s’invitent ainsi dans le récit pour venir remettre en doute ce qui est montré à l’écran. Qu’est-ce que c’est qu’est vrai ? Qu’est-ce que c’est qu’est faux ? Ces questions, le film n’en apporte aucune réponse. Il en va de l’interprétation de chacun.

Courtney Bell  et Morgan Peter Brown dans Absentia
« Hé, tu dors ? » – Par cet esprit tordu qui vous veux du bien

Cette démarche incite à revoir le film, afin de prêter davantage attention aux détails, pour choisir l’angle le plus plausible, auquel il est possible de croire :

_ Une sœur toxicomane et serial killeuse à ses heures perdues.

_ Un monstre tapi dans l’ombre qui collectionne les âmes.

_ Un tortionnaire d’animaux qui a mal géré la disparition de son père.

_ Une invention de toute pièce née de l’imaginaire d’une femme souffrant d’un chagrin immense…

Les choix se révèlent effectivement multiples.

Un petit film plein d’ambition

Mike Flanagan propose une mise en scène sobre, et un jeu de lumière superbe (pour une microproduction) qui inonde d’éclat certaines séquences, pour la retirer totalement dans d’autres. Cela permet d’être happé par chaque plan, et de ressentir ce que le réalisateur cherche à transmettre pour sentiment. Cela façonne « Absentia » comme une petite œuvre fantastique intelligente, gérée de main de maitre. Ce film incarne la preuve qu’il est possible de s’autoriser de l’ambition, à grand coup d’audace, sans débauche de moyen, pour mettre en place une ambiance crédible.

Le tunnel
Le tunnel, centre du métrage, est un lieu des plus terrifiants… Mais c’est un tunnel pourtant…

L’atmosphère angoissante est constituée naturellement par une économie de ressources qui permet de ne pas multiplier les lieux, par un quasi-huis clos, où l’essentiel de l’action se déroule dans une maison et dans une rue. Augmentant par là même un sentiment claustrophobique, favorable à l’initiation de l’angoisse. Avec cette première expérience dans le domaine de l’épouvante, Mike Flanagan pose discrètement les thématiques qui forgent son cinéma. Tel que la famille dysfonctionnelle, la perte de l’être aimé, la perception altérée, le deuil, le chagrin et l’acceptation. Fort d’une véritable âme et d’un caractère propre, « Absentia » correspond à une œuvre complète, riche et agréable à suivre, emballée par un metteur en scène impliqué. C’est franchement ce que l’on peut appeler une vraie bonne surprise.

Pour en Savoir Plus

Absentia sur IMDB

Absentia sur Rotten Tomatoes

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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