Mike Flanagan, U.S.A, 2013, 103 min
Après un premier film, très indépendant, remarqué par la critique, et le public ciblé, Mike Flanagan rempile pour raconter une histoire à nouveau basée sur une variation du récit de fantôme. Cette fois, c’est un miroir démoniaque qui emprisonne les âmes de ceux qui tombent sous son charme. Les poussant à commettre meurtres et autres folies. Exit le financement via Kickstarter, « Oculus », adapté d’un court métrage de Flanagan, est produit par Blumhouse. Cette boite de production a essayé durant les années 2010 de relancer un système à l’ancienne dans le genre horreur/épouvante.
C’est à l’initiative de son créateur Jason Blum que l’on doit par exemple l’épouvantable « Halloween » de 2018, mais aussi l’excellent « Lords of Salem » en 2012 (le chef-d’œuvre de Rob Zombie), les funkys « Happy Death Day 1 & 2 » (2017-2019), ou l’énorme « Get Out » en 2017. Bref, Blumhouse c’est une société qui pèse dans le paysage de l’Horreur hollywoodienne, pour le pire comme pour le meilleur. En ce qui concerne « Oculus », c’est du tout bon, et c’est co-écrit avec Jeff Howard, co-rédacteur des scénarios des trois films de Flanagan qui suivent, ainsi qu’une collaboration sur « The Haunting of Hill House ». Bref, « Oculus » propose un voyage au cœur d’une famille dysfonctionnelle, tient donc, réduite en morceaux par le poids d’un méchant miroir sur leurs existences. Rien que ça.
Classique dans la fond, charmant dans la forme
Kaylie, et son frère Tom tout fraîchement sorti de l’hôpital psychiatrique retournent dans la maison de leur enfance, où sont morts leurs parents, afin d’y affronter leurs démons. Ils reviennent aussi pour essayer de comprendre l’épreuve qu’ils ont traversée. Le récit se construit sur deux timeline différentes, une qui suit Kaylie et Tom, devenus adultes, et une autre les présentant dans leur enfance, au moment du drame.
Sans abuser des effets faciles, Jump scare et autres violons grinçants, c’est avant tout par la psychologie des personnages, et la descente aux enfers du père que se crée une angoisse palpable. Le récit opère sans cesse des allers-retours entre passé et présent, allant par moment jusqu’à faire cohabiter les deux timeline dans même un plan. Tom est par exemple filmé adulte, la caméra fait un contrechamp et il est face à Kaylie enfant. Ce procédé permet de perdre les spectateurices pour mieux le surprendre.
Ambitieux, généreux et respectueux
Mais « Oculus » n’est pas le genre de production qui se croit maline à jouer avec son audience. Loin de là. C’est même tout le contraire, puisque comme dans « Absentia » il est demandé à ceux et celles qui regardent le film de fournir un effort. Différents éléments aident à la compréhension du récit, et sont ainsi disséminés un peu partout durant le métrage. En rater un, provoque une désorientation de plusieurs minutes, avant de pouvoir raccrocher les wagons de l’intrigue. Ce qui crée vraiment une sensation de déboussolement, avec par moment un rythme qui s’accélère, notamment lors des séquences horrifiques.
Sur ce point, le film honore totalement le contrat, puisqu’il se montre des plus généreux. Sans s’adonner à l’horreur pure, c’est par l’épouvante qu’il remplit parfaitement le pari. Le jeu de lumière favorise la présence d’ombres, qui se révèlent parfois plus que cela, ou bien dans la manière dont le miroir est mis en scène. Responsable de toutes les mésaventures qui arrivent aux personnages, jamais une glace n’aura été filmée avec une aura aussi démoniaque, sans artifices d’aucune sorte. C’est juste un miroir. C’est dans la construction du récit, et les deux arcs narratifs mélangés dans les timeline, qui donnent vie au miroir, comme ce que racontent les protagonistes, leur vécu, et ce qui choisit d’être montré à l’écran. Ce n’est pas juste un gimmick basé sur du vent. Le miroir a de la texture, du caractère, comme le personnage à part entière qu’il est. Et ça marche, il fait peur.
Un auteur est né
Il se retrouve dans « Oculus » les thématiques déjà présentes dans le précédent film de Mike Flanagan, la cellule familiale dysfonctionnelle en tête. Mais il y a également cette idée de la disparition et du deuil difficile. À l’addiction, alcool/drogue, c’est cette fois la maladie mentale qui est placée au centre de l’intrigue qui concerne la construction du personnage de Tom. Reconnue cliniquement folle, sa condition demeure floue, restant en suspens durant tout le métrage. Une fois de plus, c’est à celles et ceux qui suivent de se trouver leur propre avis selon leurs propres interprétations.
La dernière séquence demeure en ce sens dramatiquement forte, puisqu’elle fait exploser toutes les thématiques minutieusement distillées durant le métrage. Ce choix artistique, d’une démarche déstabilisante, témoigne du fait que le film est réfléchi comme un tout, et non comme une accumulation de saynètes « flippantes » sans aucune structure. Cela est d’ailleurs devenu un peu le cas dans les fictions d’épouvantes actuelles.
Le véritable premier film de Mike Flanagan
Intelligemment construit, finement écrit, s’il n’échappe pas à certains défauts, inhérents à toutes premières œuvres, il est toutefois possible de voir en « Oculus » le patron utilisé par Mike Flanagan dans ses films suivants. Des paternes récurrents, que ce soit dans sa mise en scène posée, et élégante, dans ses jeux de lumière, et dans les thématiques qui parcourent l’intégralité de sa filmographie.
Ce film est à voir comme la véritable naissance d’un cinéaste riche et passionnant, appelé à montée en puissance.
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