Mike Flanagan, U.S.A, 2016, 97 min
Avec « Hush », Mike Flanagan mettait de côté ses obsessions liées à la famille, à l’abandon, au deuil, au chagrin, à l’acceptation et à la reconstruction suite à la perte d’un être cher. Sa seconde production de 2016 accomplit tout l’inverse, pour se construire autour de l’idée de la disparition d’un enfant, sujet peu facile, traité ici avec onirisme. De l’aveu même de Flanagan, « Before I Wake » n’est pas à considérer comme une œuvre horrifique, mais plus à la même manière d’une « fable » ou un « drame surnaturel ». C’est certainement vrai, mais le déroulé du récit, et quelques scènes se prêtent tout de même aux frissons, basculant par moment dans l’épouvante la plus pure.
L’exploration du deuil par le prisme de l’épouvante
L’histoire s’intéresse à Jessie et Mark, un couple ayant perdu leur jeune fils, Sean, suite à une noyade accidentelle. Dans un processus de reconstruction, ils décident de se proposer comme famille d’accueil, non pas pour remplacer Sean, mais pour donner ce trop-plein d’amour qui est le leur, à un enfant qui n’en a plus. Un échange de bon procédé, qui si dans un premier temps peut ne pas sembler particulièrement sain, dans un second temps ne s’avère pas du tout sain.
Il leur est alors confié Cody, un jeune orphelin, intelligent, adorable, calme et poli, soit la crème de la crème. Cependant, sa présence déclenche des événements étranges. Dès qu’il plonge vers le sommeil, des papillons de toutes les couleurs apparaissent soudainement. Au départ, cela crée l’émerveillement des parents de substitutions. Mais bien entendu, rapidement ça se transforme en cauchemars éveillés. Sinon il n’y a pas de film.
Du 100% Mike Flanagan
« Before I Wake » convoque toutes les thématiques inhérentes au cinéma de Mike Flanagan. Jessie et Mark cherchent à réaliser le deuil de leur fils, quand Cody doit accomplir celui de sa mère. Ensemble, ils progressent dans la réparation de leurs chagrins incommensurables, s’épaulant sans même en prendre conscience. Ils avancent lentement vers une paix intérieure, pour laquelle le temps demeure un allié. Si pour Mark la complicité avec Cody nait simplement, sans malaise, puisqu’il ne projette pas sur lui son enfant disparu, pour Jessie c’est une autre paire de manches. Elle a plus de mal à accepter la perte de Sean, au point de sombrer par moment dans une attitude malsaine. Il semble que pour elle, admettre la disparition de Sean, c’est l’oublier. Or, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas.
Toujours entouré de sa fine équipe, Mike Flanagan livre avec « Before I Wake » un film bien plus fort qu’il n’y paraît au premier abord. D’une grande richesse, visuelle et réflexive, elle apporte une nouvelle pierre à l’édifice de son œuvre. Sa mise en scène permet de poser l’histoire et les personnages, pour les faire progresser jusqu’à un déchaînement d’épouvante finale, laissant le métrage s’approcher du songe cauchemardesque, plus que de l’horreur pure.
Un problème de casting qui pèse
Toutefois, il y a tout de même à redire sur le casting. C’est malheureux, mais Kate Bosworth, une actrice peu convaincante, passe complètement à côté de son personnage. Tombant sans arrêt dans un jeu au pathos des plus gnangnan, elle peine à donner un minimum de texture et de profondeur à Jessie. De plus, son duo avec Thomas Jane (Mark) ne fonctionne pas. Si l’alchimie entre Thomas Janes et Jacob Tremblay (Cody) est parfaite, celle avec Kate Bosworth est le gros point faible du film. Ça ne passe pas tout simplement. Incapable de donner de la variance à un jeu d’une platitude confondante, ça rend quelques passages difficiles à regarder.
Et c’est dommage, parce que l’écriture demeure solide, la mise en scène est une fois de plus élégante, et il y a une volonté de proposer plus qu’un banal film d’horreur. Et c’est là bonne idée du métrage, car ça lui donne une dimension toute particulière, avec toute la magie qui peut se dégager. Cela permet de faire naître une opposition entre la trouille générée par la présence d’un être obscur dans les cauchemars de Cody, et les papillons colorés qui apparaissent. Il doit ainsi gérer, du haut de ses 8 ans, un pouvoir incontrôlable, symbolique d’un passage précoce à la puberté, engendré par un traumatisme dont il n’a pas conscience. Le décès de sa mère se répercute tout au long du récit, pour trouver un dénouement final choquant et inattendu.
Un drame qui s’accepte mal
« Before I wake » constitue une œuvre en demi-teinte, qui se montre vraiment très bonne dans son exploration de fond, notamment autour des thématiques sur lesquelles Flanagan appose ses images visuellement fortes, et une réflexion peu aisée. Mais le film souffre toutefois de quelques lacunes. Le jeu de Kate Bosworth n’est pas à la hauteur, et la manière témoigne d’un besoin parfois un peu forcé de donner dans l’épouvante. Le métrage aurait sans doute gagné à jouer davantage la carte du drame existentiel, avec en bonus l’onirisme maîtrisé. Chercher à faire peur, pour finalement dire à son spectateur « nan, mais oui, ça fait peur, mais c’est pas le but », ça plombe légèrement une œuvre qui reste quand même remarquable sur de nombreux aspects.
Elle aborde parfaitement le trauma, le deuil, e la reconstruction d’un enfant de 8 ans, qui trouve dans le traumatisme de sa mère de substitution quelques clés pour progresser. Le film ne fonctionne pas toujours, et possède, il est vrai, quelques lacunes qui peuvent gâcher certaines séquences. Il a également du mal à tourner à plein régime, mais ça reste quand même au-dessus de la production horrifico-épouvante proposée dans les années 2010. Comme l’a précisé son réalisateur, après tout, « Before I Wake » ne cherche pas juste à faire peur. C’est une œuvre forte, riche, et pleine de surprises, ce qui demeure assez rare pour le prendre en compte.
Pour en Savoir Plus
Before I Wake sur Rotten Tomatoes
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