Gerald’s Game

Mike Flanagan, U.S.A, 2017, 103 min

Première adaptation par Mike Flanagan d’un roman de Stephen King, ce qui paraît relativement étonnant vu à quel point l’auteur semble avoir eu une influence sur ses travaux précédant. « Gerald’s Game » est avant tout un exercice de style de la part de King, qui de fait devient un exercice de style de la part de Flanagan.

Carla Gugino et Bruce Greenwood dans Gerald's Game
Carla Gugino et Bruce Greenwood dans un exercice pas facile, mais réussit !

Jessie et Gerald, un couple en crise, décident de passer un week-end à la campagne dans leur résidence secondaire, afin de renouer ensemble. Tout commence pour le mieux, puis ils se lancent dans un jeu sexuel au cours duquel Gerald attache Jessie avec des menottes, à la tête de lit. Partant pour simuler un viol, Jessie se sent vite mal à l’aise, et désire arrêter, ce qui a le don d’agace Gerald. Il insiste un peu, Jessie se défend, et là c’est le drame. Gerald est victime d’une crise cardiaque et s’écroule sur Jessie, désormais prisonnière du lit.

Un Survival original

Voilà pour ce qui est du point de départ de « Gerald’s Game ». Tout le reste du métrage concerne la lutte de Jessie pour ne pas perdre la raison, et trouver un moyen de s’échapper. Dans un style assez proche du « 127 Hours » de Danny Boyle, Mike Flanagan utilise toutes les possibilités que lui offre le roman de Stephen King. Cependant, il propose sa propre vision sur le récit, à l’aide de grandes libertés prises avec le matériau de base.

Carla Gugino dans Gerald's Game
Le filtre Netflix

Apanage des bonnes adaptations, la réappropriation d’une œuvre pour livrer une nouvelle lecture, tout aussi passionnante, n’est pas une démarche aisée à Hollywood. Souvent, c’est un peu fainéant, et ça se repose trop sur le livre, avec une crainte de prendre des libertés, sans doute la peur de se mettre à dos la partie la plus puriste du public. Alors que c’est tout à fait l’inverse : une bonne adaptation c’est quand on ne se retrouve pas exactement devant à ce qu’on a déjà lu.

Une adaptation un tout petit différente

Le « Gerald’s Game » version Mike Flanagan devient ainsi une plongée dans la psyché de Jessie, qui se manifeste par des projections qu’elle crée de Gerald et d’elle. Dans une sorte de variation de l’ange et du démon, ils représentent sa conscience qu’elle essaye de la maintenir éveillée, pour ne pas sombrer. Le temps passe, alors que la carcasse de Gerald gît sur le sol, les heures sont comptées. Toute l’intrigue se met alors à tourner autour du simple fait de comment elle va trouver une solution. Ainsi, en tant que spectateurices on vibre avec elle, on souffre avec elle, on voit naître une empathie naturelle envers elle.

Henry Thomas dans Gerald's Game
Henry Thomas dans un rôle terrifiant…

De plus, Jessie est un personnage sympathique, étoffé par des flash-back sur son adolescence, qui permettent d’évoquer un traumatisme, parfaitement intégré aux thématiques chères à Mike Flanagan. Il s’y retrouve l’idée de la famille dysfonctionnelle, et du transfert établis par Jessie de son enfance sur sa vie d’adulte. Avec un sujet casse-gueule, Mike Flanagan et Jeff Howard (co-auteurs du scénario) marchent sur des œufs en abordant une thématique peu facile. Heureusement, production Netflix oblige, ils ont carte blanche, et laissent libre cours à leur démarche.

Du Stephen King de A à Z

« Gerald’s Game » n’est pas seulement le premier pied que Flanagan met dans l’univers de Stephen King (il réitère l’expérience en 2019 pour « Doctor Sleep », et « Hallorann », inspiré d’un personnage de « The Shining » est annoncé), c’est aussi celui qui le consacre comme un auteur à part entière. Il démontre sa capacité, par une mise en scène profonde, de traduire bien plus que ce qu’il se passe à l’écran. Avec élégance et retenue, il filme l’éprouvant calvaire de Jessie à hauteur de cette dernière.

Carla Gugino
Carla Gugino qui porte le film, tout en restant allongé dans un lit

Présente dans la quasi-intégralité des plans, Carla Gugino porte totalement l’œuvre sur ses épaules. Il est plaisant de retrouver cette comédienne talentueuse, qui depuis la fin des 90’s connaît une seconde partie de carrière loin d’être à la hauteur de ce qu’elle peut offrir. Ici, elle présente l’étalage de tout son talent, accompagnée d’un script malin, solide, et dynamique. Il se passe mille richesses à l’écran, et l’ennui ne point jamais. À l’instar du livre de Stephen King, cela démontre que même une économie de moyens permet de proposer des récits riches et trépidants.

Une partition non parfaite, mais réussie

À noter toutefois, la dernière séquence un peu longuette et tirée par les cheveux, même si la démarche est liée à l’émancipation de Jessie comme une individualité unique et indépendante, ça traine un petit peu en longueur. Sachant que toute la force de caractère du personnage est présentée graduellement tout au long du récit. Cette baisse de régime était déjà présente dans le livre de Stephen King (réputé pour rater ses fins, de son propre aveu). « Gerald’s Game » en demeure une preuve de plus, puisqu’après 300 pages haletantes, il faut se farcir une centaine de pages un peu… Meh…

Un monstre dans Gerald's Game
Mike Flanagan n’oublie jamais de nous faire peur ici et là !

Idem pour les dernières minutes de cette adaptation donc, mais ça n’est en rien dommageable, car le métrage parvient tellement à capter une atmosphère, et donner vie à un personnage seul et immobilisé, que l’on ne peut que pardonner une certaine maladresse. Certainement l’œuvre la plus aboutie de Mike Flanagan depuis « Hush », il démontre qu’en sortant de sa zone de confort le cinéaste s’avère des plus créatif et virtuose.

« Gerald’s Game » se révèle un excellent film donc, original et haletant, comme on en a finalement assez peu dans ce genre.

Pour en Savoir Plus

Gerald’s Game sur IMDB

Gerald’s Game sur Rotten Tomatoes

Gerald’s Game sur Netflix

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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