The Cable Guy

Ben Stiller, U.S.A, 1996, 91 min

Si on vous dit que quelque part dans le temps se trouve un film d’Horreur réalisé par Ben Stiller, avec Jim Carrey et Matthew Broderick dans les rôles titres, pourriez-vous y croire ? Et bien, ce métrage existe bien, il s’appelle « The Cable Guy » et il est sorti en 1996. Jim Carrey se trouvait alors au sommet de la gloire (il est le premier acteur à avoir négocié un salaire de 20 millions de dollars… Pour ce film…). Alors oui, c’est avant tout une comédie, vendue comme telle, avec des comédiens et comédiennes œuvrant surtout dans ce genre. Mais à y regarder de plus près, lorsque l’on gratte un petit peu, ce que propose Ben Stiller n’est rien de moins qu’un film d’horreur psychologique, avec un psycho killer terrifiant et une intrigue cauchemardesque.

Matthew Broderick et Jim Carrey dans The Cable Guy
L’imagerie cinématographique du psycho-killer, par excellence

Avec sa réputation peu flatteuse, ce n’est pas vraiment l’œuvre la plus citée de Ben Stiller ou la plus acclamée de Jim Carrey. Quant à Matthew Broderick, il tentait ici de sauver ce qu’il restait de sa carrière de teen star des années 1980. C’est un film qui est souvent mal compris, puisque l’orientation qu’il prend n’apparaît en effet pas très claire. C’est une comédie particulièrement sombre qui rigole avec des situations qui ont davantage leur place dans un cauchemar. Si cela lui a souvent été reproché, c’est légèrement paradoxal, car c’est exactement comme ça que le film doit être appréhendé, telle une comédie cauchemardesque… Et vu comme tel, il se révèle absolument efficace et même un peu jouissif.

Le type du câble, un ami qui vous veut du bien

La force principale de « The Cable Guy » réside dans son scénario qui, en plus d’offrir moult situations, sied à merveille au talent de Jim Carrey. Il permet de plonger les spectateurices dans un univers parfaitement codifié, les entraînant peu à peu dans le fond de la folie de son protagoniste. De bout en bout, que ce soit le récit ou l’évolution des personnages, tout est maîtrisé, au point que le métrage se retrouve être une excellente comédie, drôle et au timing impeccable. C’est aussi un film d’Horreur des plus terrifiants, sans artifice lié au genre, juste l’utilisation des conventions inhérentes. Sur les deux tableaux, c’est une réussite.

Jim Carrey dans The Cable Guy
« Here’s Johnny !! »

Depuis des décennies maintenant, nous avons eu affaire à toute sorte de psychopathes au cinéma. Mais il y en a un qui revient régulièrement, qui peut être autant un homme ou une femme, et qui envie votre existence. Il n’a rien de particulier comme ça, il semble un minimum intégré, il est sympa, toujours prêt à rendre service quand il faut, et présent lorsque sa présence est requise, ou non. Mais au fin fond de la psyché de cette personne, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il ne souhaite pas seulement devenir votre ami, votre confident ou votre double, il veut être vous. Il réclame votre vie, votre quotidien et tout ce qu’il s’y trouve. Malheureusement, avant de réaliser les méfaits de cet individu, il est déjà trop tard, et c’est là toute l’horreur de « The Cable Guy ».

Une vraie comédie noire, comme l’âme du Cable Guy

Jamais Ben Stiller n’essaye de comprendre ou de psychologiser le personnage interprété par Jim Carrey. Ce n’est pas l’objectif du film, qui évite toute dramatisation dès que le piège se tend, afin de rester sur les rails de la Comédie et de l’Horreur. Il offre simplement un rôle bigger than life à Jim Carrey, qui a visiblement reçu la directive de pouvoir livrer la performance qu’il désirait, tellement par moment ça va trop loin. Et puis il y a tout l’arrière-plan avec une galerie de personnalités qui semblent le trouver tout à fait normal. Ils doutent même davantage du personnage de Matthew Broderick, qui en plus de ne rien demander à personne, essaye juste de s’extraire d’une relation toxique.

Matthew Broderick et Jim Carrey dans The Cable Guy
Rompons sous la pluie

Par le biais de la comédie, « The Cable Guy » permet d’approfondir plusieurs thématiques qui apparaissent parfois profondes, comme la maltraitance parentale, la solitude, la phobie sociale, et le rejet de la différence dans un monde ultra-uniformisé… Il y a ainsi des questions de fond que le métrage aborde sans complexe, mais toujours de manière légèrement détournée, pour provoquer le rire ou le frisson. C’est là que ça fonctionne le mieux, car Comédie et Horreur correspondent à deux genres qui permettent de dépeindre avec acidité une société dans un temps bien précis, en pointant tout ce qui ne va pas. Cela sert à appuyer soit l’absurdité de l’ensemble et en rire, soit pour en montrer toute l’horreur et créer le malaise. Mais le mieux, c’est qu’à bientôt 30 ans, il parle toujours aussi bien de notre monde, peut-être même avec plus de pertinence qu’en 1996, ce qui fait un peu peur.

L’égalité des chances : La terreur des classes dominantes

« The Cable Guy » sort la même année que le « Scream » de Wes Craven, qui mêlait lui aussi à sa manière la Comédie (le film est presque une parodie) et l’Horreur. Ces deux œuvres s’inscrivent ainsi dans deux univers dont l’un est maîtrisé par son cinéaste respectif. Elles témoignent aussi du sombre état d’esprit qui règne alors aux États-Unis, après des années 1980 plutôt colorées, c’est la gueule de bois post-Reagan qui apparaît ici. Le type du câble, incarné par Jim Carrey, ne possède pas d’identité, il n’existe presque pas, mais il désire profiter d’une vie mainstream, et de tout ce qu’elle aurait pu lui apporter. Il y a ici l’expression d’une pression mise quotidiennement sur les individus, indifféremment de leurs capacités. Le type du câble n’a pas « râté » sa vie parce qu’il est chelou, il l’a « râté », car il n’a pas eu les mêmes chances.

Jim Carrey et Matthew Broderick avec le cast de The Cable Guy
Le type attachiant que tous le monde préfère à vous…

Le film amène à découvrir la famille du personnage de Matthew Broderick, qui permet de comprendre qu’il vient d’un milieu aisé, aimant et cultivé. Le type du câble, lui, n’a pas eu cette chance, avec un père absent, et une mère prise par son travail et le challenge de mener une vie sociale de front. Il a ainsi été un peu abandonné, avec la télévision comme seul refuge. Mais le message ne se trouve pas tant dans l’abus de tube cathodique, que dans l’abandon de ceux qui n’ont pas les mêmes armes pour se défendre dans une société cruelle, qui broie la moindre différence. À grandir par la télévision, forcément cela renvoie à fantasmer un idéal de vie qui n’existe que dans l’idéologie dominante de ceux qui gouvernent. Alors, lorsque la réalité devient une nécessité pour survivre, ça se complique.

Un film qu’il est bien à (re)découvrir

« The Cable Guy » n’a pas la prétention de comprendre un problème de société, ni même d’expliquer les agissements (qui sert avant tout ne ressort comique) de son personnage principal. Mais ce n’est pas pour autant que le film n’a pas saisi son temps, pour mieux poser le doigt sur les gros soucis de notre époque. Pour ça, mais aussi pour la performance de Jim Carrey, et de nombreux gags bien sentis, le métrage mérite de ne pas être oublié. Il se révèle même digne d’une redécouverte, en le prenant pour ce qu’il est, une Comédie mâtinée d’Horreur, qui le fait rentrer dans les deux catégories, sans distinctions. Le film provoque autant le rire que le frisson, en jouant avec les codes et les clichés des deux genres. Cela s’avère assez rare, surtout quand l’objectif de l’entreprise ne se contente pas de la parodie d’œuvres existantes, mais cherche à se moquer des horreurs de la vie quotidienne… Oui, certes, c’est en soi une parodie.

Matthew Broderick et Jim Carrey dans une parodie de Midnight Express
Midnight Carrey Express

Pour Savoir Plus

The Cable Guy sur IMDB

The Cable Guy sur Rotten Tomatoes

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

No comments

Laisser un commentaire

LES DERNIERS ARTICLES

145