Christian Alvart, Allemagne, 2009, 1 h 48
Sortie dans la discrétion la plus totale, « Pandorum » fut en son temps un échec critique et commercial, comme il en arrive régulièrement. Son ramassage se montra si spectaculaire que quelques mois après, le studio à l’origine du projet dût mettre la clé sous la porte. Pour son réalisateur, la perspective d’une aventure hollywoodienne prit fin brusquement, et il retourna en Allemagne poursuivre sa carrière. Œuvrant sur des projets bas de gamme et de la série TV. Mais « Pandorum », est-ce que c’est vraiment aussi mauvais que le laisse entendre son crash au Box-Office ?
De la Dark S-F jouissive
Loin de présenter nombre de défauts (on y reviendra), le film de Christian Alvart se révèle, une décennie plus tard, comme une œuvre de dark S-F efficace, sympa à regarder, et plutôt étonnant. Avec sa générosité dans l’action (parfois un peu trop…), sa maîtrise d’une ambiance crasseuse, et des séquences flirtant par moment avec le gore, ce qui est proposé est un actioneur horrifique qui tient la route. À mi-chemin entre « Alien », « Event Horizon », « Supernova », « Creep » et « The Descent », il se situe à la croisée des genres.
Rondement mené et bien rythmé, il essaye malgré tout de proposer un spectacle au-delà de son simple postulat de départ. Il se perd toutefois, à l’occasion dans une portée psychologique branlante (partie la moins maîtrisée du métrage), comme une référence au roman « Solaris » de Stanislaw Lem. À trop vouloir atteindre cette dimension métaphysique, c’est ses limites que trouve le film. Cela se perd par moment dans des explications douteuses, qui viennent alourdir un récit déjà bien riche en rebondissements.
Petit Pandorum se voyait grand Alien
Le problème principal de « Pandorum », c’est qu’il ne se limite pas à son statut de série B, et cherche toujours d’en proposer plus. Or, ça ne fonctionne pas, car il se rêve en « Alien », sans les mêmes moyens. De plus, c’est oublier que le film de Ridley Scott constitue un heureux hasard lié à l’assemblage de multiples talents ayant permis de faire naître un univers hors norme. Si la direction artistique en jette plein la vue, avec sa nature horrifique crasseuse, sur le thème du huis-clos, les décors s’avèrent rapidement similaires, parfois répétitifs, perdant le spectateur, tout autant que les personnages. C’est là un symbole d’une économie de moyens, assez faibles, puisque le film a coûté 30 millions de dollars.
Cela porte un peu préjudice au métrage, car en tant que spectateurices il est possible de prendre conscience des intentions du réalisateur, et la dimension qu’il souhaitait donner à son œuvre, et c’est tout à son honneur. Malheureusement, ça ne marche pas, et les séquences les plus faibles consistent en celles où il oublie d’assumer sa nature : une excellente série B de Science-Fiction horrifique. Mais il se perd dans de la métaphysique pas du tout maîtrisée, venant plomber le récit.
Des défauts qui n’entâchent pas le plaisir
L’autre gros problème de « Pandorum » c’est son montage. Si dans le dernier acte ça se calme un peu, et qu’on peut enfin avoir un aperçu des monstres plus d’une demi-seconde, toute la seconde partie est hyper cutté, aux frontières de l’épilepsie. Les scènes d’actions semblent résulter de l’influence d’un monteur cocaïné. Il y a dans ce montage une démarche qui m’échappe. C’est très brouillon et ça rend la lecture difficile. Du fait, les scènes d’actions sont un peu toutes pétées. C’est vraiment dommage puisque l’envie de générosité dans le gore se fait phagocyter par ce cottage intense…
Au-delà de ces quelques défauts, qui en réalité ne gâchent pas tant que ça le visionnage, « Pandorum » se présente comme un modeste petit chef-d’œuvre de Dark sci-fi. C’est là une trajectoire quasi-identique à « Event Horizon », l’unique œuvre majeure de Paul W-S Anderson, qui est d’ailleurs l’un des producteurs du film. Tout d’abord un échec en salles, il a acquis au fil des années un statut culte. C’est le moins que l’on puisse souhaiter à « Pandorum », même si 10 ans après sa sortie il est un peu oublié. Pourtant dans la production actuelle, peu d’œuvres du genre sont proposées.
À assumer comme un plaisir coupable
Christian Alvart livre de quoi passer un bon moment bien sympa, avec de l’action, de l’horreur, du suspens, et de l’angoisse. Le film est à prendre pour ce qu’il est (une série B), et il en convient d’oublier ce qu’il veut être (une grande œuvre psychologico-méta réflexive). Ainsi, il devient la garantie d’un spectacle honnête et plutôt agréable. À redécouvrir donc, et ne pas hésiter à le partager. Au risque de me répéter, ces dix dernières années la S-F a été assez peu généreuse en œuvres audacieuses, ce que finit par représenter « Pandorum », avec un propos qui fait sens, sans se vouloir forcément original. Juste une proposition de cinéma devenue rare.
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