Peninsula

Yeon Sang-Ho, Corée du Sud, 2020, 115 min

En 2016, « Dernier Train pour Busan », un film d’infecté virtuose, venait donner un petit coup de boost à un genre surexploité tombant peu à peu en désuétude. C’était avec une maestria spectaculaire que Yeon Sang-Ho mettait en scène l’émergence d’un virus extrêmement contagieux, en plaçant son action en huis-clos, dans un train. Un lieu inédit pour le genre, qui lui procure toute son originalité, le rend passionnant et d’une richesse incroyable. Ce n’est pas pour rien qu’il demeure des plus efficace. Tout ce que n’est pas « Peninsula ».

Seoul Apocalypse dans Peninsula
L’idée d’une Corée dévastée était si prometteuse…

            Voilà, quatre ans sont passés et il est tout à fait légitime d’attendre avec impatience la suite de cette grande réussite. Arrive donc sur nos écrans « Peninsula », qui démarre son récit directement là où s’achève le premier opus, suivi d’une ellipse de quatre ans qui permet de nous plonger dans une Corée du Sud post-cataclysmique. Cette tournure s’avère des plus bienvenue, puisque cela sous-entend que Yeon Sang-Ho ne sombrera pas dans la répétition.

Un manque d’originalité criant

À y réfléchir, avec le recul, décliner la recette du premier n’aurait peut-être pas été une si vilaine idée, tellement ce « Peninsula » témoigne d’un ennuie monstre, dû essentiellement faute à un manque d’originalité criant. Avec son scénario simpliste, bien que le genre ne demande pas forcément une grande complexité, l’intérêt principal se trouve dans les rapports humains. Ce facteur était complètement réussi en 2016, et ici, il se casse totalement la margoulette.

Les protagonistes armés de Peninsula
Résumé du film en une image, oui, c’est un peu tristoune

C’est bien simple, les personnages ne sont pas des personnages. Ce sont des fonctions, désincarnées, aux attitudes prévisibles, totalement lambda ils interagissent de manière attendue dans un décorum ultra-codifié, où ne réside aucune d’originalité. L’ensemble est cousu de fil blanc, il n’y a aucun enjeu, aucune tension, aucun suspens. C’est vide. De plus, il est vraiment impossible de s’attacher aux personnages. Prenons le rôle principal, un militaire bad ass, qui vit sur le fil, soit un protagoniste classique, vu des millions de fois. Il n’a aucun background, aucune expression, aucun charisme, aucune texture, rien n’indique les particularités de son idiosyncrasie et ses motivations s’avèrent nazes. Il se présente à l’image du métrage : raté.

Un manque flagrant de discernement

            Pour le reste, Yeon Sang-Ho se contente de jeter en pâture tous ses personnages, dans des scènes d’actions peu impressionnantes et sans prendre le temps de les approfondir. La comparaison avec « Dernier Train pour Busan » devient alors plus que tentante, puisque sa réussite principale réside justement dans ses personnages, ce père workaholic en priorité, qui néglige sa fille, après avoir négligé son mariage. Cela permettait d’apporter une belle réflexion sur la famille, le lien de parenté, le rapport de l’enfant au parent, construisant finement une séquence finale des plus émouvantes.

Un militaire derrière une vitre, avec plein de traces de mains ensanglantés
Toute une séquence repompe allégrement [REC]⁴ : Apocalipsis 

            Et ce n’est là qu’un exemple, tellement le métrage regorge de personnages croustillants, bien qu’également des fonctions, ils évoluaient au fil d’un récit riche de son mélange des genres. Car en plus d’un film d’infectés, c’est aussi un drame social, une comédie de mœurs, une satire… Chaque personnage y incarne un genre différent. Dans le cas de « Peninsula », c’est juste une œuvre post-cataclysmique de plus, sans aucune portée, avec des scènes d’actions lambda et des tentatives minables de créer coûte que coûte un pathos forcé dénaturé.

Un film qui oublie d’en être un

            L’émotion ne peut pas fonctionner, puisqu’à aucun moment il n’est possible de s’attacher aux personnages, et quand ils meurent, et bien ça ne fait ni chaud ni froid. Encore une fois, il devient difficile de ne pas tenter la comparaison avec le premier volet, où lorsqu’un des protagonistes se faisait mordre, une tristesse s’immisçait, car ils étaient attachants. Là, c’est foiré, car « Peninsula » se contente de recopier sans imagination la dynamique de l’armée contre les zombies, présente dans « Day of the Dead » (1985) et « Land of the Dead » (2004) de George A. Romero, en empilant les clichés. C’est un goût permanent de déjà vu ailleurs, en mieux, et complètement dénué de toute portée politique. C’est pourtant là tout ce qui donne sa particularité au genre. Que ce soit des zombies ou des infectés, ces sujets servent souvent de prétexte pour dresser des portraits vitriolés de nos sociétés. Comme c’était d’ailleurs le cas pour « Dernier Train… ».

deux zombies dans Peninsula
Des spéctateurices un peu déçu par le piètre spectacle

            Et le recopiage ne s’arrête pas là, puisque la dernière scène d’action tente vainement d’imiter Mad Max, avec des effets spéciaux mal intégrés, des enjeux opaques, et une intensité digne de l’activité cérébrale d’un légume. En revanche, l’ultime séquence se montre absolument fascinante, tellement elle résume à elle seule tous les malaises de ce film. Sous la forme d’une longue scène se voulant émouvante, étirée au maximum, jusqu’à l’absurde, puisque n’oublions pas que les infectés courent, donc il y a une dynamique de vitesse… Durant cette séquence, Yeon Sang-Ho essaye de nous faire ressentir de l’empathie pour les personnages, dont le monolithisme empêche toute émotion. Des personnages qui de bout en bout du métrage seront restés les mêmes. Aucune évolution ne touche de près ou de loin les survivants.

Vraiment, une immense déception.

Bref, «  Peninsula » souffre très certainement de la comparaison avec son illustre aîné. Mais en même temps, nous étions en droit d’attendre une œuvre un peu plus honnête, plus riche et surtout plus construite. Ce n’est pas le tout d’empiler des clichés et des conventions sans aucune logique, en espérant que ça fonctionnera et que naitra un grand film. Ça ne marche pas comme ça. Ça se saurait. Est-ce le résultat d’un travail malhonnête ou constat d’échec d’un cinéaste touché par la grâce pour son premier film live (Yeon Sang-Ho est à l’origine un réalisateur d’animés) ? «  Peninsula » n’est jamais captivant, émouvant, amusant ou encore palpitant. La palme du foirage revient certainement au fait que ça ne soit jamais gore… Avouez que pour un film avec des cadavres qui courent et qui mangent des gens, c’est quand même un sacré manquement à la satisfaction des Horrivores amateurs d’anthropophages…

Pour en Savoir Plus

Peninsula sur IMDB

Peninsula sur Rotten Tomatoes

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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