Sean S. Cunningham, U.S.A, 1980, 95 min
« Friday the 13th » premier du nom est ce que l’on peut appeler un trope codifier, puisque son influence sur la codification du slasher dans les années 1980 reste incontestable. Deux ans après la « Halloween » de John Carpenter, qui venait populariser le genre aux yeux du grand public, le film de Sean S. Cunningham rencontre un succès énorme. Avec ses 40 millions de $ de recette, pour un budget avoisinant les 500 000 $, il lance une saga qui traversa toute la mode du slasher, avec ses hauts, mais aussi ses bas.
Le film ne perd pas de temps, et dès l’ouverture, deux moniteurs d’un camp de vacances, des adolescents qui rentabilisent leur Bafa, batifolent sous des combles quand une personne (en vue subjective) les surprend. Ils la connaissent visiblement, et s’empressent de se rhabiller. Puis ils se font tuer à l’arme blanche, directe, et ce qui ne constituait qu’une séquence dans « Halloween » devient ici (dès le départ) une convention, qui restera par la suite : sexe = mort.
Un trope codifier par excellence
Se mettent ainsi en place les codifications qui forgent le succès du genre au cours de la décennie. Des jeunes mono qui se lancent dans un strip-Monopoly, en buvant de la bière et en faisant tourner des joints, ce n’est jamais une bonne chose dans ce genre de film. Un tout jeunot Kevin Bacon, après s’être adonné à une séance de sexe hors mariage, s’allume un petit pétard, et BAM, coup de couteau dans la gorge. Le tueur passe sous le matelas, geste appelé à devenir une marque de fabrique de la saga.
Tout comme la hache plantée en pleine face, ces séquences gores, magnifiquement élaborées par Tom Savini, viennent marquer les esprits, par un jusqu’au-boutisme assumé, violent et radical. Le tout est enveloppé dans une ambiance musicale de grand niveau, avec le score d’Harry Manfredini, qui deviendra légendaire. « Tch Tch Tch, Ha Ha Ha », se présente comme une tonalité simpliste, dans la lignée de John Carpenter pour son « Halloween ». Cette sonorité veut en réalité dire « Ki Ki Ki, Ma Ma Ma », soit l’association de « Kill » et de « Mommy ».
La récurrence de ce thème, et son sens caché donnent une dimension toute particulière à une œuvre qui possède encore un pied dans les années 1970 (l’action se déroule en 1979), et déjà un dans les années 1980. Cela se perçoit dans la mise en scène de Sean S. Cunningham, avec sa caméra à l’épaule qui colle au maximum les protagonistes, dans un style hérité du cinéma-vérité des années 50/60. Cette manière de faire a été grandement popularisée dans les seventies, avec le Nouvel Hollywood.
Le tueur sanguinaire ou la fin du rêve américain
Avec ses redneck inquiétants, sa menace invisible omniprésente, et sa réflexion sur la faillite du modèle masculin, « Friday the 13th » se présente dans un premier temps comme la traduction d’un constat d’échec du rêve américain. Surtout, c’est toute la vague libertaire née à la fin des années 1950, et les Beatniks, influence certaine sur l’ouverture des mœurs de la contre-culture des années 1960.
Les ados libidineux, engagés comme moniteurs au camp de Crystal Lake, incarnent cette désillusion du modèle américain, qui en 1980 se trouve dans une période de repli, avec une vague de conservatisme s’étendant sur la nation. Les excès des 70’s ont entériné l’esprit libertaire de la fin des années 1960, avec le Flower Power, qui s’avère un échec idéologique total.
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Dans ce premier volet, le tueur n’est pas un homme, c’est Pamela Voorhes, la maman de Jason, qui deviendra la figure de la franchise par la suite. Elle vient ici venger la mort de son enfant, noyé en 1957 dans le camp de vacances de Crystal lake. Son décès est pour elle dû au fait que les monos étaient trop occupés à se livrer au sexe hors mariage, à boire l’alcool et à fumer de la drogue, au lieu de surveiller les mioches.
Épris de vengeance, elle revient à Crystal Lake alors que le camp ouvre à nouveau ses portes, pour y massacrer les jeunes moniteurs. C’est ainsi une femme née en 1930, qui correspond à l’Amérique des années 1950, dans laquelle elle est devenue adulte. Cette Amérique forte et fière, solide dans le tourment de la Guerre Froide, prônant son modèle idéologique en fer de lance. Elle est issue d’une Amérique prè-assassinat de Kennedy, répondant aux conceptions d’une nation innocente qui n’a pas encore été confrontée à toutes les horreurs qui arrivent dans les années 1960.
Pamela Voorhes vient faire payer les dérives de la société à de pauvres jeunes, qui n’ont comme objectif que de passer du bon temps. C’est deux Amériques antagonistes qui cohabitent ensemble, mais qui doivent s’affronter. Le tueur est donc une femme, et celle qui se retrouve face à elle à la fin sont également une femme.
Le film consolide une fois de plus l’une des caractéristiques du slasher, qui remonte à bien avant la terminologie du genre, puisqu’on peut y voir « Psycho » d’Alfred Hitchcock en 1960 comme son papier carbone. Face à Pamela Voorhes, se trouve l’unique survivante du massacre, Alice, bien décidée à t’en sortir. Elle se défend alors avec tout ce qui lui tombe sous la main, avec une mention spéciale pour la poêle, un outil toujours efficace, lorsqu’envoyée en pleine face. Puis machette en main elle décapite Mrs Voorhes, lors d’une scène particulièrement graphique, qui pour l’époque à dû en choquer plus d’un/e.
\\FIN ZONE SPOIL//
Fort d’une séquence finale aux airs de train fantôme, avec les cadavres des victimes qui tombent de partout sur le chemin d’Alice, « Friday the 13th » ne se montre pas avare dans sa représentation de la mort. Violente et sans concessions, elle est semée par un être malade n’ayant plus le sens des réalités. Ne fonctionnant que dans un seul but, faire payer à la jeunesse leur insouciance. Il y a là une ouverture toute tracée pour utiliser ce genre naissant comme vecteur d’une idéologie conservatrice, qui en 1980 n’y est pas encore apposée.
Avec un vrai sens de l’attraction, le film de Sean S. Cunningham demeure, 40 ans après sa sortie, plaisant à suivre. Il n’a pas tellement vieilli, et avec plus de 40 années de recul ce n’est pas étonnant qu’il ait autant marqué le genre. Il demeure vraiment terrifiant, à l’instar de ce dernier acte haletant versant dans l’horreur la plus pure, sur une variation inversée de « Psycho », avec la musique de Manfredini venant clairement citer celle de Bernard Hermann.
Un modèle pour une looooooooooongue série de suites
« Friday the 13th » c’est aujourd’hui considéré comme l’un des modèles du slasher, et il est vrai qu’il trône au-dessus de la production de l’époque. Mais en 1980, ce n’est encore qu’un petit film à grand succès, et non la porte d’ouverture à 11 suites sur 29 ans. Et il est mieux d’apprécier ce film pour ce qu’il constitue, et non pour ce qu’il est appelé à devenir : le premier volet d’une saga d’exploitation.
Body Count : Neuf victimes du boogeyman + un boogeyman décapité par Alice.
To be continued…
Pour en Savoir Plus
Friday the 13th sur Rotten Tomatoes
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