Joseph Zito, U.S.A, 1984, 91 min
« Friday the 13th : The Final Chapter » marque le temps du retour à Crystal Lake est arrivé, après un an sans Jason, donc avec en introduction un montage constitué d’extraits provenant des trois précédents volets. Tout commence par l’histoire racontée autour du feu de bois, dans le second. Cela fait que le film s’ouvre sur un best of de 16 morts, dont 4 fois Jason, avant que le générique ne débute. Sur un fond noir apparaît le masque de hockey, devenu l’ultime marque de fabrique de la saga.
Cela démontre une compréhension certaine de la part de producteurs ayant absolument tout compris au potentiel iconique de Jason Voorhes. Et c’est seulement le second film où il porte le masque de hockey, dont la nature s’avère avant toute protectrice, puisqu’il empêche les gardiens de se prendre des palets en pleine face. Cependant, au fil du temps il a évolué, et sa ressemblance avec un masque mortuaire a été exploitée pour le rendre plus impressionnant, dans une démarche d’intimidation envers les adversaires.
Au bal masqué, tch tch tch
Derrière le masque de hockey se cache ainsi tout un historique, qui remonte bien au-delà du hockey sur glace, pour aller chercher dans de nombreuses cultures. Là où le masque possède une nature divine, ou du moins une représentation qui évoque des esprits, bienfaiteurs ou malfaisants. Ce masque confère à Jason une aura surnaturelle, appuyant sa dimension fantomatique.
La réflexion sur le masque ne s’arrête pas là, puisque l’un des protagonistes, le jeune Tommy Jarvis, à peine une dizaine d’années, se passionne pour la fabrication de masques inspirés monstre. Il crée également des marionnettes dans le même style. Ce passe-temps semble tout de même d’un goût un peu douteux pour un enfant de son âge.
Un antagoniste pour l’antagoniste
Tommy est un personnage fort de la saga, puisqu’il est appelé à devenir durant quelques films la Laurie Strode, ou la Nancy Thompson de Jason. Cela opère même un transfert de personnalité, résultat d’une réflexion sur la nature du monstre et sa représentation dans l’imaginaire d’un enfant, tel qu’il est présenté dans le métrage : comme une réalité. Lors de l’ultime séquence, Tommy se rase la tête pour ressembler à Jason enfant, et cherche à le perturber. Puis, il lui met un coup de machette pleine face (gimmick de la saga), ce qui lui trancha la moitié du crâne, puisqu’il glisse contre la lame pour s’écraser sur le sol. Cette séquence se révèle particulièrement gore, dans un métrage qui en manque terriblement.
Avec son côté malsain, complètement hors ton avec l’ambiance générale du reste, le final montre Tommy s’acharner au couteau sur la dépouille de Jason, au point qu’il en devient la parfaite impersonation. Un lien se crée entre le monstre et sa proie, et reflète l’idée des producteurs de prolonger la saga avec Tommy en tueur. Car là Jason meurt, et celui qui apparaît comme dangereux, c’est bien Tommy… l’ultime plan donne en ce sens des frissons. Ce final, des plus épiques, rachète un peu ce « Friday the 13th : The Final Chapter » bien moribond, servit par des acteurs vraiment mauvais, trop dans l’interprétation des clichés, sans une once de naturel. C’est le milieu des eighties, avec des slashers en veux-tu, en voilà, c’est partout, c’est la mode, et il semble y avoir une baisse de niveau dans l’orientation prise par les projets.
Rien de bien original dans cette quatrième suite
Un peu long, peu intéressant, et manquant cruellement de rythme, il multiplie les jump scare inutile, comme un cache-misère. Nan vraiment, y’en a tellement que dès qu’il y a une tentative de créer de la tension, ça ne prend plus. Que ce soit le tueur ou non, de toute façon les violons vont crisser. Cel pète toute la mécanique de suspens, que tente désespérément de mettre en place le récit.
De plus, le film reste formellement des plus classiques, il innove en rien et se contente de répéter la même recette, avec ses insouciants jeunes, qui ne redoutent rien des craintes de la vie. Ils boivent de l’alcool, copulent, fument des substances non légales, se baignent nus et batifolent. Cette liberté totale est insupportable, et les autorise à profiter de leur jeunesse, et à la gaspiller pour quelques minutes de rigolade.
Manque d’originalité ne veut pas dire manque d’efficacité
Il y a bien entendu le fameux « ne bouge pas, je reviens tout de suite », et la traditionnelle machette en pleine gueule, devenue des récurrences de l’univers. Heureusement, Jason est là pour remettre les pendules à l’heure, avec toute la brutalité qui est la sienne.
_ L’infirmière cochonne qui se tape son supérieur ? Hop, plaquée au mur et coup de couteau dans le cœur.
_ Son supérieur ? La tête sciée, alors qu’il regarde, comme un pervers, de la gym à la TV (qui ressemble plus au clip « Call on me » qu’à un cours de Véronique et Davina.
_ Une jeune hippie pattes d’éph’, bandeau dans les cheveux, sac de routardes, en train de faire du stop ? Cette vermine sociétale est punie illico par un bon coup de couteau dans la gorge.
_ Sexe hors mariage sous la douche ? Monsieur se fait écraser la face, d’une main, contre le carrelage, et hache en pleine poitrine pour madame. Une douche s’est conçue pour se laver, pas pour copuler.
Le spectre réactionnaire
Si ces crimes apparaissent totalement en adéquation avec l’univers développé par la franchise depuis 1980, en 1984 ils semblent beaucoup plus pétris d’une orientation réactionnaire, plutôt absents des précédents films. Ici, Jason représente l’incarnation d’une Amérique salvatrice, celle de l’ère Reagan, qui a déjà posé sa marque sur la nation.
Ce parallèle peut se percevoir dans la conception des séquences de meurtres, qui sont particulièrement cuttées, comme si Joseph Zito visait avec son film un public plus jeune. Mais cela témoigne aussi du durcissement des mœurs, une orientation validée par la scène d’introduction reprenant la décapitation de Mrs Voorhes. Elle apparaît furtivement. Avant la dernière scène, le gore qui tâche est évité. Cela fait de « Friday the 13th : The Final Chapter » un slasher très lisse.
Un boogeyman qui se banalise avec le temps
Bien qu’avec le générique le film semblait avoir complètement compris un truc, étrangement l’ionisation de Jason mise en place dans le précédent opus n’est plus du tout présente. Le métrage échoue à montrer Jason, qui agît toujours en hors champs. Or, le spectateurices s’avère désormais familier du tueur, il n’y a plus de nécessité de jouer sur le suspens de cette manière.
Le récit reste prisonnier de conventions qui en 1984 apparaissent déjà datées, surtout à une période où le slasher connaît un nouveau souffle. En effet, le succès inattendu de « A Nightmare in Elm Street » vient transcender les codes du genre. C’est pourquoi certains prennent 1984 comme la fin de l’âge d’or du slasher. Pourtant entre 1984 et 1988 [sans doute une année plus appropriée pour signer l’arrêt de mort du genre] beaucoup de slashers de grande qualité arrivent sur les écrans.
Une qualité d’écriture un peu pauvre
Avec ses jeunes peu convaincants qui écoutent du rock, et se déchaînent dessus, le métrage donne l’occasion de voir « The Performance of a Life Time » de la part de Crispin Glover. Le papa de Marty McFly livre une danse endiablée, bien plus gênante que rythmée, et offre un moment de pur cinéma : complètement ringard et indéfendable. C’est même fou que ce type ait pu construire une carrière là-dessus, puisqu’un an après il joue dans « Retour vers le Futur » quand même.
Pour ce qui est de la final girl, Samantha, l’écriture du personnage se vautre dans le marasme de la blondasse clichée. Elle est tellement apeurée qu’elle ne sait plus quoi faire lorsque la masculinité se fait défoncer sa race par un Jason pour l’égalité des sexes. Elle fuit au lieu de se défendre et en finir avec le monstre. Si elle parvient à lancer un coup de marteau dans la nuque de Jason, à l’image de son rôle dans le récit, ça ne sert à rien.
Un film fun, même si en demi-teinte
Si en 1984 le slasher connaît une forme de redondance, ce quatrième volet réussit malgré tout à taper dans l’épique avec sa fin spectaculaire. L’identification de Tommy envers Jason rappellent à ce dernier son enfance, son innocence et une once d’humanité, dans le but de l’amadouer. Le tout se déroule sur un score très inspiré des travaux de Bernard Hermann. Cette ultime séquence sauve un slasher un brin faiblard, annonciateur du désastre à venir. Alors que le genre commence à se casser un peu la gueule [malgré un sursaut furtif entre 1985 et 1988], tout n’est qu’une question de perspective. « Friday the 13th : The Final Chapter » se montre plus que correct, surtout à la lumière du chapitre suivant, qui pour le coup se révèlera bien plus perturbant.
Body Count : 12 + Jason laissés pour mort, la moitié du crâne tranché par une machette, et lardé de multiples coups de couteau par Tommy.
To be begun…
Pour en Savoir Plus
Friday the 13th : The Final Chapter sur IMDB
Friday the 13th : The Final Chapter sur Rotten Tomatoes
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