Adam Marcus, U.S.A, 1993, 87 min
Quatre ans après, que Jason ait débarqué à Manhattan, où il a été laissé pour mort, le mort-vivant de Crystal Lake est de retour. Dans ce neuvième épisode, c’est un changement d’ambiance, totalement différente, empruntant moins au slasher, pour s’afficher bien plus comme un film de monstre à l’ancienne. « Jason Goes to Hell : The Final Friday » assume aussi désormais d’être la franchise de Jason, puisque « Friday the 13th » n’apparaît pas dans le titre, pour la première fois dans l’histoire de la saga.
Le métrage d’Adam Marcus se présente comme une forme de reboot, avec son design de Jason complètement différent. Il débute sur un postulat qui ne prend pas du tout en compte les évènements à Manhattan, et reprend directement à Crystal Lake. L’action prend place durant une opération spéciale du SWAT, bien décidé à capturer Jason à grands coups de mitraillettes, avant de le faire exploser en morceaux avec un obus.
Un « Friday the 13th » qui ne dit pas son nom
Nouvelle décennie, nouveau code, d’ailleurs le film ne s’appelle même pas « Friday the 13th Part IX » mais « Jason ». Le tueur, toujours présenté à travers l’impressionnant physique de Kane Hodder, a pris le contrôle de la franchise. Associant définitivement au titre « Friday the 13th », il fait oublier petit à petit le rôle de Pamela Voorhes dans le premier, à mesure que l’imaginaire populaire le prend comme mascotte de la saga.
Le sous-titre même, « The Final Friday » sous-entend une nouvelle orientation, comme le suggère la fin du film, qui annonçait des suites dans une franchise simplement renommée « Jason ». Cette suite se montre ainsi des plus étranges, et ne ressemble absolument à aucun des précédents volets. Particulièrement gore et trash, les effets spectaculaires sont fabriqués par les génies de KNB (Kurtzman, Nicotero, Berger) qui façonnent un rendu viscéral.
Un film centré sur Jason, mais sans trop de Jason
L’une des particularités du film consiste à voir Jason passer de corps en corps, après qu’un médecin légiste ait mangé son cœur. Il possède ainsi plusieurs personnes qui se transmettent un ver dégueulasse dans lequel réside son esprit. Puis ils deviennent des zombies putrescents, suintants une hémoglobine noirâtre peu ragoûtante. Cela reflète bien la nature cradingue dans l’esprit général d’un métrage qui cherche à instaurer un malaise.
Avec les conventions du film de possession, l’œuvre d’Adam Marcus vient mélanger un peu tout pour donner une bouillie. C’est parfois brouillon, mais ça témoigne d’une générosité sans failles, qui offre à l’ensemble un côté complètement foutraque, mais sacrément fun à regarder. Sans doute parce que l’histoire over the top est tellement assumée, tout comme son premier degré à toute épreuve. Cela manque légèrement à la saga depuis « The Final Chapter », et n’a pas poursuivi sur la lancer de « Jason Lives », et sa tentative échouée de relancer la franchise sur un ton humouristico/gore.
Un délire visuel gore et audacieux
Le personnage de Jason est particulièrement pris au sérieux par Adam Marcus, qui cherche sans cesse à respecter les canons de la série, tout en développant un récit audacieux qui tient à peine debout. Cela fonctionne parfaitement bien, du moment que le délire est accepté, et là ça devient la porte ouverte à un bordel ambiant totalement assumé.
Toujours couvert par le score de Harry Manfredini, qui confirme bien le statut de neuvième suite, « Jason Goes to Hell : The Final Friday » est le genre d’œuvre qui donne l’impression de ne plus n’en avoir rien à foutre. Elle fonce tête baissée dans ses idées les plus farfelues, avec une bonne humeur communicative, même si ça doit aller jusqu’à l’extrême avec maladresse. Il existe d’ailleurs une version du film non censurée, qui partait encore plus loin dans le gore. C’est intrigant, rien que de penser à cette arlésienne du cinéma d’Horreur.
Entre réalité et fiction : le film dans le film
Le métrage s’amuse également beaucoup avec les codifications rigides qu’il transgresse. Ainsi, un jeune local balance une blague à des jeunes qui se dirigent vers Crystal Lake :
_ « Vous allez fumer de la drogue, faire du sexe prémariage et vous faire trucider ? »
La légende de Crystal Lake, comme le mythe auquel nous sommes invités à croire en tant que spectateurs, fait partie du même univers. Les personnages semblent conscients qu’ils évoluent dans un slasher. Le film sort à une époque où le genre se montre de plus en plus rare, et vivote à peine dans les rayons des vidéoclubs. Cela lui offre ainsi une réflexion déjà pleine de recul.
À l’instar du « New Nightmare » de Wes Craven en 1994, officiellement « A Nightmare on Elm Street 7 », « Jason Goes to Hell : The Final Friday » constitue une suite qui trouve difficilement sa place dans la continuité de la saga. Devenant une sorte d’aventure méta qui remonte aux fondements mêmes du mythe « Jason », de son évolution, sa longévité et son influence.
L’opus qui fait entrer Jason dans la légende
Sont ainsi distillés ici et là des clins d’œil à la culture horrifique, qui place le métrage dans une logique de références, mais aussi comme un hommage à un genre particulièrement populaire. Il y a notamment la présence du Necronomicon de « The Evil Dead » de Sam Raimi, qui sous-entend que c’est le même univers. Il en va de même avec la séquence finale qui voit le gant de Freddy sortir de terre pour engloutir le masque d’un Jason laissé une fois de plus pour mort (si quelqu’un y croit potentiellement encore).
Avec une certaine frustration, le film d’Adam Marcus teasait clairement la collusion de trois univers horrifiques, qui seront développés dans des comics. Mais un temps, elle fut sérieusement envisagée pour devenir un cross-over cinématographique des plus emballants. Mais ce n’est pas le seul univers que croise le film, puisqu’un plan très rapide sous entend qu’il se situe également dans la continuité du « The Thing » de John Carpenter. De plus, le principe même d’un Jason en mode parasite, fait référence directement à ce chef d’œuvre de l’Horreur.
Si le film emprunte tout de même beaucoup aux codes classiques du slasher, avec une ambiance à des lieux de la désuétude des eighties, son visuel est très sombre, très gritty. Dépassant les frontières du genre pour voguer dans les sphères de l’Horreur dans son ensemble et sans barrières. Finalement, « Jason Goes to Hell : The Final Friday » c’est un peu le « The Dark Knight » du slasher.
Du renouveau en terrain conquis
Dans l’utilisation des clichés se retrouve par exemple le couple qui baise sous la tente, et qui se fait trucider par le légiste possédé par Jason, qui poursuit ainsi sa mission salvatrice de punir les pécheurs. Cela passe par une conception classique où les switchs entre corps apportent assez peu de changement. C’est juste divertissant, et ça offre une nouvelle perspective au personnage et au mythe, désormais capable de vivre au-delà même de son enveloppe charnelle.
Ce sont ainsi les actes qui définissent le boogeyman pour créer la mythologie, au travers d’une prophétie : un enfant dans lequel Jason pourrait renaître, et il existe une dague qui peut mettre fin à ses agissements. Le film prend une orientation totalement azimutée, en donnant à Jason une nature démoniaque. Dès lors, la silhouette fantomatique peut se voir remplacer par n’importe qui ou n’importe quoi. Mais au final, le résultat reste le même : Jason bute des ados libidineux et drogués.
Une satire déguisée en film débile
Cette œuvre se montre bien plus intelligente et réflexive qu’elle n’y paraît, notamment sur la notion d’horreur au cinéma. Elle est abordée ici par le prisme d’un personnage bourrin par principe, caractérisé par un masque et une machette, un instrument barbare s’il en est. Michael Myers possède le couteau de cuisine, Leatherface manie la tronçonneuse, et Freddy utilise les lames sur son gant. Jason joue bien dans la cour des grands.
Le film se permet aussi de mettre un petit taquet aux médias, par le biais d’une émission de télévision à sensation. Elle est présentée par une sorte de Jean-Marc Morandini des States, bien ringard donc, qui évoque un total de 83 morts au crédit de Jason. L’entrée dans l’ère des médias, avec des émissions à l’éthique en option, se retrouve l’année suivante dans « Natural Born Killer » d’Oliver Stone. C’est une époque où le voyeurisme à tout prix, annonce la TV réalité des années 2000.
Tel que le sous-entend cette punchline à destination de Jason :
_« Get away from her motherfucker »
En plus de sentir bon les années » 90, cela montre également un changement d’époque, et donc un changement d’ambiance.
Très bancale, mais fun et généreux dans le gore
« Jason Goes to Hell : The Final Friday » se situe à la croisée de deux mondes. Façonné par un amateur de slasher, ce dernier a eu l’opportunité d’apporter sa pierre à l’édifice d’une des sagas les plus populaires du genre. Ça manque parfois de cohérence, comme Jason qui réapparaît de nulle part à la fin, avec son design du début, sans autres explications. C’est aussi sans doute l’épisode le moins accessible de la franchise, par son côté viscéral. Ce n’est plus du tout l’heure des petits meurtres de gentils adolescents. Ici les corps explosent ou se liquéfient, des visages sont arrachés et déchiquetés, le tout dans une bonne humeur qui sent bon la série B, et le plastique de VHS.
C’est un film trash qui correspond à une époque où l’Amérique subit une bonne gueule de bois. Les excès du reaganisme ont laissé le pays avec une dette colossale et la chute de l’URSS engendre une crise de fond. Dans les quartiers de Los Angeles, une quasi-guérilla éclate. Entrainant une atmosphère tendue, dont le paroxysme peut se trouver le tabassage de Rodney King par deux officiers de police. L’écart entre les riches et les pauvres s’est beaucoup creusé. Il y’a de plus en plus de pauvres, et le pays semble se faire face à lui-même, digérant tranquillement les excès de l’American Way of Life.
La meilleure neuvième suite du cinéma ?
« Jason Goes to Hell : The Final Friday » s’avère ainsi une œuvre qui en soi n’est pas terrible, mais qui a sa place au panthéon de l’Horreur, de par sa nature très particulière. N’oublions pas qu’il s’agit du neuvième film d’une franchise, c’en est presque dément. Et pourtant Adam Marcus parvient à démarquer sa réalisation par un goût prononcé pour le spectacle horrifique, et surtout, il ne répétant pas du tout le petit « Friday the 13th » illustré. Il prend des libertés salvatrices, qui permettent à ce film d’exister pour ce qu’il est, et non pour l’héritage qu’il porte.
Body Count : 23 + 1 accidentellement par l’héroïne + 2 fois Jason, explosée au mortier au début. Il est laissé pour mort après avoir été absorbé dans les entrailles de la Terre, comme tout bon démon qui se respecte.
Record égalé à 36 minutes. 27 noms au générique, 24 morts, dont deux fois Jason. Beau score.
To be upload…
Pour en Savoir Plus
Jason Goes to Hell : The Final Friday sur IMDB
Jason Goes to Hell : The Final Friday sur Rotten Tomatoes
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