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Ti West, U.S.A, 2022, 105 min

Principalement réalisateur pour des séries horrifiques, avec plus ou moins de succès, Ti West est tout de même dans le paysage de l’Horreur made in Hollywood depuis 2005. C’est surtout en 2009 qu’il est remarqué, avec son quatrième long-métrage, « Cabin Fever 2 : Spring Fever », une suite passable à l’œuvre récréative de Eli Roth. Si le film n’est pas au niveau de l’original, il réservait comme même un final audacieux particulièrement gore, et terriblement fun. Mais sa carrière n’a finalement jamais vraiment décollé, malgré plein de promesses.

Les Charlots se font le Texas

Après 9 réalisations, de qualité variable donc, en 2022, un peu de nulle part, sort ce « X » distribué par A24, qui depuis quelques années coupe l’herbe sous le pied de Blumhouse, en proposant des productions originales et audacieuses. Avec sa forme extrêmement classique, et son visuel 70’s tellement assumé (que ça en devient jouissif), ce dixième long-métrage de Ti West réserve tout de même de nombreuses surprises, et une richesse des plus bienvenue.

Un Survival dans les règles de l’art

Rapidement, le métrage se place dans a ligné des Survival horrifique cradingue des années 1970, avec une représentation crasseuse d’un vieux Sud rouillé, déconnecté de la modernité, et baignant dans une bigoterie de tous les instants. C’est de cette façon, dans un environnement qui rappelle expressément « The Texas Chainsaw Massacre » (Tobe Hooper, 1974) que Ti West (également scénariste) balance ses personnages, des citadins qui évoluent dans le milieu de la pornographie. Ce véritable choc des cultures, pour ne pas parler de choc de civilisation, résonne ainsi dans un pays en rupture.

Mia Goth, véritable incarnation du film

Tout en posant son décours avec détails et malice dans un Texas de formol, Ti West rend un hommage vibrant au cinéma de Tobe Hooper, disparu en 2017. Bien entendu, le visuel fait penser au Texas de Leatherface, mais aussi à celui de « Eaten Alive », le second film de Hooper en 1976, avec son crocodile mangeur d’humain. Mais si seulement la référence s’arrêtait là, puisque dans la joyeuse bande de pornographes, le réalisateur est un jeune ambitieux, qui veut remettre de l’art dans le porno, et dont le look est basé sur… Je vous le donne en mille : Tobe Hooper. Puis plus le film avance, et plus se dessine sa propre identité, à mesure que Ti West s’amuse comme un petit fou dans son jeu de massacre. Dézinguant son cast un part un, dans une tradition parfaite du Survival.

Une œuvre composite pleine d’originalité

Bien entendu, un film ne peut pas exister que par ses références. Ces dernières années pourtant le mode de production, effectif à hollywoodien, a tendance à se regarder le nombril et à s’autoréférence, est devenu absolument imbuvable pour cette raison. Le petit Tour de Force de Ti West est ainsi de proposer une œuvre complète et originale, forte de sa propre identité, sans s’appuyer uniquement sur le renvoi vers d’autres productions cultes, qui enrichissent néanmoins son cinéma. Si c’est un vrai plaisir d’amateurices d’art déviant, qui saura ravir le•a fin connoisseur•euse, « X » ne s’adresse pas qu’à eux/elles. Même si vous n’avez vu aucun film des années 1970, ni aucun survival, mais que vous adorez le genre horrifique lorsqu’il est honnête et généreux (comme on en fait plus), et bien ce film se destine tout autant à vous, qu’aux autoproclamés cinéphiles.

L’hommage omniprésent à The Texas Chainsaw Massacre

Ti West est clairement un cinéaste passionné, qui parle de cinéma à travers scénario. Mais comme il n’est point question ici d’un quelconque élitisme, qui fermerait cette œuvre à un public de non avertis, de sa passion et de ses connaissances résulte un accomplissement artistique d’une beauté malsaine. Il s’y dégage une forme de poésie morbide, qui se permet en prime de défoncer à grands coups d’effets gores l’Amérique conservatrice post-Trump. Oui, l’action de « X » se situe peut-être en 1979, mais c’est les États-Unis contemporains qui sont visés.

Un film qui dépeint son temps avec passion

Les thématiques sont riches et variées, et il est difficile de les aborder sans révéler un petit peu trop de l’intrigue. Néanmoins, à brûle-pourpoint, Ti West brasse des questionnements très en lien avec notre époque. Toute une partie de la population occidentale fait preuve d’une ouverture d’esprit et d’un progressisme haletant, représentée ici par l’équipe de tournage d’un film porno. Les interactions des personnages évoquent principalement le sexisme et la misogynie, des tares inhérentes à un milieu trop souvent toxique. Toutefois, Ti West inverse petit à petit des conventions bien trop connues et attendues, pour replacer la femme au centre de son récit. En effectivement, le film parle avant tout du rapport au corps bien trop souvent sexualisé et dépossédé par le regard masculin, et tout le néfaste engrenage que cela engendre.

Ces deux paisibles retraités sont une source à cauchemars

En opposition à ces personnages, il y a ce couple de Texans septuagénaires, qui vivent dans le fin fond d’un État assez peu reconnu pour son progressisme. Ils incarnent eux cette Amérique conservatrice et bigote, qui baigne en permanence dans une hypocrisie alimentée par la télévision et une exacerbation de valeurs de plus en plus obsolètes. Le fait que le film se déroule en 1979, qui est un point de jonction dans l’histoire des U.S.A n’est ainsi pas un hasard. En effet, le pays est alors gouverné par l’administration Carter, un président Démocrate du Vieux Sud, qui a favorisé l’émergence d’un nouveau Grand Réveil chrétien dans la nation. Ce mouvement connaît son heure de gloire avec l’arrivée de Reagan en 1981, mais prend ces racines dans la fin des années 1970.

The End is Nigh

Il y a ici le témoignage d’un changement d’époque, et comme tout bouleversement rétrograde, c’est crépusculaire, avec une crainte permanente d’une perte de repère inéluctable. En prenant ainsi le sujet controversé de la pornographie, il s’appuie également sur l’évocation d’une industrie sur le déclin sans tomber dans une vulgarité de bas étage. Alors que la pornographie fonctionnait avec un système de production imitant celui des films plus « classiques », l’arrivée de la VHS et la colère de plus en plus pressante des conservateurs, va accélérer cette chute. Si bien entendu cette industrie n’était déjà pas exemplaire (loin de là), l’arrivée de la VHs va la faire sombrer dans les bas-fonds, qui amèneront à la forme que l’on connaît aujourd’hui avec Internet… Voir le documentaire d’Ovidie pour approfondir ce point…

The Texas Slibard Massacre

La personnage principale, Maxine, interprétée par une exceptionnelle Mia Goth, dans un double rôle saisissant, se révèle particulièrement complexe et vient faire la jonction entre ces deux visions de l’Amérique. Durant tout le métrage, il est montré qu’elle fuit un passé douloureux, un enfer qui l’a marqué, pour finalement se retrouver dans un autre. Mais l’échappatoire de la pornographie semble être le « moins pire », bien que sa consommation excessive de cocaïne et une attitude totalement détachée démontrent qu’elle ne se complait pas non plus tellement dans ce radeau de fortune. Et c’est là que se trouve toute la beauté de cette œuvre, dans ce personnage brisé, illustration de ce qu’il se passe alors dans l’industrie du porno. À la fin des 70’s, les U.S.A connaissent la mort du rêve Hippie, et l’espoir d’un pays ouvert sur l’autre, et c’est par ce biais que Ti West délivre le constat alarmant de l’Amérique made in Trump.

Le Grand Réveil et Trump même combat

Le racisme n’est pas non plus en reste, par le personnage interprété par Kid Cudi, qui brille dans ce rôle d’un ex du Vietnam reconverti en star du porno. Il polarise les haines et la stupidité omniprésente d’une Amérique raciste puritaine, en incarnant l’autre Amérique. Celle émergente des campus progressistes, qui s’attaquent frontalement à l’exclusion de celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule voulu par un capitalisme schizophrène hors de contrôle et complètement dissonant. À l’image de ce vieux couple de septuagénaires, cachés derrière sa façade d’un papi et d’une mamie, à la perversion tellement contenue qu’elle ne peut s’exprimer que par l’horreur la plus brutale.

Kid Cudi en authentique vétéran du Vietnam

« X » est la preuve que le cinéma horrifique venu de chez l’Oncle Sam a encore de beaux jours devant lui. Si le film est réservé à un public averti, puisqu’il est quand même bien gore, même si ce n’est jamais gratuit, il mérite que l’on s’y attarde. C’est à la fois une réussite sur le plan artistique, la réalisation est sublime et le montage absolument superbe. Il distille ici et là des petites audaces bienvenues, sans jamais se prendre au sérieux. Usant et abusant d’un humour noir vraiment tordant, le film se fait tout autant terrifiant que jouissif, tout en demeurant particulièrement critique. Il utilise ainsi le biais de l’Horreur cinématographique pour souligner l’horreur réelle de nos sociétés malades..

Que serait un film sur la bigoterie sans un caméo d’Éric Ciotti

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Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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