MaXXXine

MaXXXine, Ti West, U.S.A, 2024, 103 min

Et voilà, 2024 nous apporte dans ses bagages la conclusion d’une série horrifique sans précédent à l’échelle du XXIème siècle. « MaXXXine », de Ti West, compose la dernière entrée de la désormais « X Trilogy » débutée deux ans plus tôt avec « X ». Ce Survival sans prétention, clamait déjà haut et fort un amour prononcé pour le cinéma bis hollywoodien, qui depuis les années 1980 se montre moribond. La faute revient à l’omniprésence d’un système de super productions venu étouffer le game. Le changement d’ambiance se fait ici radical, puisqu’il diffère également du second volet qu’est le magnifique « Pearl », qui tranche sévèrement avec son Southern Gothique ambiant.

Mia Goth dans MaXXXine
Maxine en train d’écraser toute concurrence

« MaXXXine » fait place aux années 1980, et plus exactement cette année bénit des Dieux et Déesses qu’est 1985. Faisons le court tout de suite, le visuel, l’esthétisme, l’ambiance musicale, les décors, les costumes, les maquillages sont réussis en tout point. Cela donne une puissance picturale incroyable à l’ensemble, et en fait sa force première, car, de tous ses pores « MaXXXine » suinte les années 80. Mais ce n’est pas dans une démarche de nostalgie ou, pire, de « c’était mieux avant », non. Ti West, toujours accompagné d’une Mia Goth absolument géniale, délivre avec passion une lettre d’Amour à tout un pan de la production hollywoodienne passée.

Un troisième volet à contre-courant

Exit la nature critique dans lesquelles baignaient « X » et « Pearl », le cinéaste ayant fait le tour de ses réserves concernant l’Amérique contemporaine, c’est ici un métrage symbolique de l’apaisante ère Biden, et voilà toute la différence. Il ne prend bien sûr aucune pincette avec l’ère Reagan et poursuit ainsi ses réflexions entamées avec « X », par-ci par-là. Il pointe notamment du doigt, et avec humour, la Satanic Panic des 80’s, appuyant sur l’absurde, voir même le cartoonesque. Avec irrévérence, il illustre la gaudriole monumentale d’une période, qui avec le recul avait l’air quand même bien débile. Mais ce n’est pas son propos, le propos de « MaXXXine » est le Cinéma Bis, et de ce point de vu c’est une réussite totale.

 L'enseigne du Bates Hotel dans MaXXXine
« Du hut de cette enseigne, 64 ans de Cinéma nous contemple… »

La continuité avec les deux précédents volets réside dans le personnage titre, qui permet d’explorer une facette du féminisme, par le biais d’une époque, où bon… ce n’était pas ça quoi ! Formellement, le propos s’illustre par l’absence de nudité crue, comme dans « X » par exemple. Les ambitions sont tout autres et ce qui était une critique du star-système devient finalement une ode à tous les possibles. Actrice de porno, Maxine veut exister pour son talent, pour ce qu’elle est et non pour ce que l’ont croit croire d’elle. C’est son talent qu’elle veut exploiter et non son corps, et au film de dérouler cette thématique dans un écrin de fantasme cinéphilique absolu.

Une tranche de septième art

Pour cela, Ti West convoque toutes ses influences, dans un feu d’artifice quasi permanent. Il cite à tous les instants des cinéastes, des œuvres, des personnages et des situations, qui misent bout à bout offrent un best of amoureux. Il témoigne d’une période de plus en plus lointaine, qui comporte de nombreuses productions malheureusement un peu oubliées, sauf pour les milieux de niche. Il serait possible de dresser une liste non exhaustive de toutes les citations, mais nul intérêt ici, car à chacun•e de venir y prendre ce qui lui plaît. Jamais le film n’impose bêtement un cahier des charges à remplir à tout prix et de manière hâtive ou en forçant. Là se trouve néanmoins, peut-être, la principale critique négative, dans le sens où il se rend émétique à tout un public qui ne peut profiter de l’expérience maximale sans les références… Mais c’est également une invitation à aller découvrir ces productions cultes du passé, qui pour beaucoup demeure toujours aussi fortes aujourd’hui.

Don’t Fear the Bullit & Ripper

Ti West joue ainsi avec le Cinéma, aidé dans sa démarche par Mia Goth, bien entendu, mais non moins par un casting phénoménal. Pour ma part, j’ai été énormément sensible au personnage de Kevin Bacon, une variation cartoon de J.J Gittes, détective privé incarné par Jack Nicholson dans « Chinatown » (1874). Depuis quelques années, Kevin Bacon nous offre des prestations exceptionnelles un peu partout, et c’est absolument jouissif. Ici, ça n’échappe pas à la règle et chacune de ses apparitions font mouche, et c’est un régal. Mais chaque partition est finement menée, avec des dialogues savoureux et délicieusement écrits… Je deviens beaucoup trop dithyrambique je vais m’arrêter là.

Une déclaration d’amour au Cinéma populaire

« MaXXXine » n’est pas une révolution cinématographique, c’est la preuve tangible d’un savoir-faire sans cesse renouvelable qui perdure ainsi sans nous resservir toujours la même sauce. C’est de tout l’héritage d’un Cinéma dont il est question dans ce métrage, puisqu’il compose une réflexion sur la transmission. Il évoque par exemple très directement Alfred Hitchcock et son « Psycho » de 1960, une influence majeure pour DePalma tout au long de sa carrière, avant que lui-même influence à son tour d’autres cinéastes et ainsi de suite. Voilà de quoi parle « MaXXXine » de cette continuité artistique qui se transmet de génération en génération. Et clairement, ce film a désormais sa place dans ce Panthéon d’un cinéma horrifique stylisé, arty et populaire.

Kevin Bacon dans  MaXXXine
« I said I want the truth ! »

Le métrage emprunte des moments d’anthologies à différent genre, faisant même des renvois à la fois au Giallo et au Slasher, réunissant ces deux courants dont l’un est né de l’autre. Il se balade parmi les conventions et les clichés, en se permettant assez peu de délire gore (même s’il y en a), car le propos n’est pas là. Le film n’est pas plus aseptisé pour autant, c’est juste qu’il joue avec des codes bien précis, d’une production bien précise à une époque bien précise. S’il peut inviter les nouvelles générations à s’intéresser à ces productions d’exploitations populaires, qui ont marqué l’enfance et l’adolescence de beaucoup d’entre nous, alors c’est déjà en soi une réussite.

l’Amérique de 2024 en 1985 (oui)

De plus, la construction du personnage de Maxine ne perd jamais de vu ce qui fait aussi sa personnalité depuis le premier volet. Elle cible le manque de diversité féminine à l’écran en comparaison à l’omniprésence masculiniste d’un patriarcat clairement en perte de vitesse, qui de fait montre les crocs. À part un personnage masculin positif, un amateur de film d’Horreur sataniste, safe en tout point, tous les types du récit sont de sales races, avec plus ou moins de nuances. Puis au-delà de Maxine, il y a une réalisatrice de film d’Horreur, interprétée par Elizabeth Debicki, qui est certainement l’une des cinéaste de fiction la mieux écrite jamais vue sur un écran de cinéma. En un plan, une phrase et un geste, elle ridiculise cette immonde bouse rétrograde viriliste et sexualisante qu’est l’abomination « Babylon » de Damien Chazelle.

« Hollywood, here we come… »

Au-delà de la passionnelle déclaration d’Amour au Cinéma Bis, « MaXXXine » est un film qui met en avant le combat féministe. Il utilise sciemment les codes d’une production autrefois dominée par les hommes (sauf à de rares occasions). Le portrait esquissé avec Maxine depuis « X » témoigne aussi des évolutions de nos sociétés depuis 2017. Il vient ainsi pointer au passage l’absurdité d’avoir laissé aussi longtemps les femmes de côté, dans une industrie dominée par la gent masculine. Mia Goth devient aujourd’hui le visage de ce combat, par un film qui possède tous les oripeaux d’une production 80’s, avec ce nouveau biais rafraîchissant qui fait un bien fou.

Un concentré de fraîcheur

Il est amusant de noter qu’en cette année 2024, sont aussi sorti « Furiosa » et « Love Lies Bleeding ». Ces deux productions correspondent à, et utilisent, des critères autrefois appliqués à un cinéma de bonhomme. « MaXXXine » démontre ainsi de nouveau la bêtise des débats stériles que maintiennent les conservateurs bigots dans nos paysages publics. Sans spoiler, ces bigots prennent très cher, et franchement, ça fait un bien fou de voir l’obscurantisme se faire défoncer la tronche. Surtout, cela prend place au sein d’une production d’exploitation qui vient nous rappeler que le Cinéma est un art pour toustes. Il n’appartient pas à une petite catégorie de monsieurs toxiques en costards qui ne pensent que par le prisme du dollar.

Certainement l’une des plus belles expressions du Slasher au Cinéma

Une fois de plus, Ti West nous propose une œuvre d’une grande richesse, avec une générosité sans pareil. Que j’aimerais que ce film marque la production durablement, d’autant plus à notre époque où le frileux système hollywoodien ne prend plus de risque. S’enfonçant inlassablement dans une gêne palpable, avec ses sagas génériques manufacturées à la chaîne. Il y a une fatigue très claire, et « MaXXXine » est un remède formidable à cela. Nouveau tour de force après « Pearl », pour ce troisième opus, West et Goth ne sont pas restés plantés dans leurs acquis, sortant de leurs zones de conforts pour nous proposer avec panache une réinvention des deux premiers volets. Il y a là une leçon à en tirer.

Le Cinéma d’exploitation n’est pas mort.

Je pourrais tout à fait parler des heures et des heures, et écrire des pages et des pages sur ce film, qui touche à ma passion la plus profonde. C’est ce Cinéma que j’aime et c’est ce que j’aime comme Cinéma, alors pardonnez mon manque d’objectivité, je ne peux que m’exprimer au-delà de mon cœur. « MaXXXine » offre l’espoir de voir Hollywood renaître à nouveau de ses cendres et restituer le pouvoir aux auteur•ices. D’autant plus que depuis quelques années le nombre de réalisatrices se multiplie petit à petit, proposant une nouvelle approche et une originalité dans la manière d’aborder et de raconter des histoires, en dehors de ce spectre masculin justement.

Eighties Bad

Mais comme quoi, même un film réalisé par un homme peut tout à fait être conscient d’une société en évolution. Les années qui arrivent sont excitantes en ce sens, maintenant que le règne des productions de Super-Héros touche à sa fin. Un renouveau est possible, et mes yeux sont déjà tournés vers demain, car si « MaXXXine » nous dit bien une chose, en situant son action en 1985, c’est que le meilleur est à venir. Et ça, j’en suis convaincu.

Pour en Savoir Plus

MaXXXine sur Rotten Tomatoes

MaXXXine sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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