Tod Browning, U.S.A, 1931, 74 min
Considéré comme le premier « Film d’Horreur », le « Dracula » made in Universal ne l’est pas vraiment. Avant 1931, et ce depuis la fin des années 1890, des productions de nature horrifique était déjà apparu sur les écrans des cinémas de l’époque. En revanche, l’œuvre de Tod Browning a marqué son temps. Son impact populaire, ainsi que la vague de production similaire qui a suivi, le positionne en effet comme le film horrifique le plus influent. C’est également la première fois qu’un tel projet était réalisé dans le but d’effrayer son audience et de provoquer de la peur. C’est en ce sens que le « Dracula » de 1931 peut être considéré comme le film d’Horreur original.
Esthétiquement, son allure gothique marque en effet durablement la production américaine, jusqu’à aujourd’hui il n’est pas rare de voir encore des références visuelles qui lui sont faites. Pour ne citer que le récent « Renfield » sorti en 2023, avec un Nicolas Cage déchaîné, qui va jusqu’à reprendre l’iconographie du Comte, non pas inspiré des écrits de Bram Stoker, mais bien du visuel de Tod Browning. C’est bien ce « Dracula » qui a donné ses lettres de noblesse au cinéma d’Horreur tel qu’on le connaît, et qu’on l’apprécie aujourd’hui. C’est donc ça qu’il faut entendre par « Premier Film d’Horreur », puisque le « Nosferatu » de Murnau date de dix ans plus tôt…
Bientôt centenaire et toutes ses dents
À l’heure où ces lignes sont écrites, ce « Dracula » a 92 ans, un bel âge, on le conçoit. C’est donc un métrage qui répond aux caractéristiques d’autres siècles. Véritable œuvre novatrice pour son temps, il est vrai qu’à le découvrir à la lumière du XXIe siècle, l’intérêt se trouve au-delà de la simple expérience cinématographique, car techniquement, il accuse le coup. Contemporain de l’arrivé du son dans la production hollywoodienne, il ne ressemble plus aujourd’hui qu’à un vieux film parmi tant d’autres. Surtout que depuis 1931 le cinéma a proposé moult et moult, et remoult, version de Dracula, entre le pire et le meilleur.
Il est important de prendre en compte la nature historique et le rôle de cette production dans le développement du Film d’Horreur. C’est là la clé pour pouvoir apprécier aujourd’hui ce morceau de cinéma épique, avec le son vacillant, l’image tremblante et des jeux d’acteurs très théâtraux. « Dracula » se présente en forme de brouillon de luxe des films de vampires gothiques (ou des Burtonnades de ces vingt dernières années) qu’il nous est donné à découvrir. Soit une plongée magique et terrifiante dans l’histoire d’un genre, servi par l’une des figures hollywoodiennes des plus fascinantes, le comédien hongrois Bela Lugosi, à jamais associé à l’image de ce Dracula envoûtant.
Une histoire simple, universelle et populaire
Le film de Todd Browning réduit dans ce film le roman de Bram Stoker à son essentiel. Finis les atermoiements interminables des époux Harker, place à l’action. C’est une ambiance savamment distillée, découpée en trois actes, comme ce genre l’affectionne tant. Jouant sur le mystère, le fantastique, puis l’horreur, ce qui se dessine avec le récit, ce sont les tropes qui serviront et qui servent encore ce type de cinéma. Les seules influences ici sont littéraire pour le fond et fortement inspirée des films expressionnistes allemands des années 1920 pour la forme. Tout le reste, c’est Tod Browning et le producteur Carl Laemmle qui l’inventent.
Le succès phénoménal du métrage, qui engendre un nombre impressionnant de productions destinées aux frissons des spectateurices les plus téméraires, indique que l’art du grand guignol, de la frousse et de l’angoisse, est loin d’apparaître désuet. Le vampire est une figure mythique, qui se retrouve dans de nombreuses mythologies, jusqu’à aussi loin que l’écriture existe. Si le roman de Bram Stoker en a défini des traits plus populaires, c’est bien le film de Tod Browning qui en façonne une icône de pop culture.
Mais, à qui se destine ce film aujourd’hui ?
Et bien, tout amateurices d’Horreur pour commencer, c’est certainement un incontournable du genre. Il permet de mieux comprendre certains tropes, accepter certains clichés et découvrir diverses conventions. Bien entendu, il s’adresse à toutes les personnes fascinées par la figure du vampire, puisque ce que nous connaissons de ce monstre aujourd’hui a bien souvent commencé (du moins visuellement) avec ce film. Évidemment, il parlera aux curieuses et curieux, qui veulent juste découvrir une pierre angulaire du septième art. Celle qui ouvra la porte en grand pour laisser entrer toute une production horrifique, qui aujourd’hui encore alimente nos angoisses nocturnes les plus tenaces.
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