Making Off

Cédric Dupuis, France, 2012, 78 min

Attention, cette chronique a pour objectif de vous dissuader de voir ce film. Ce n’est pas très sympa, car « Making Off » représente une tentative de produire un cinéma de genre libéré de toute concession, en France. Si l’intention reste plus que louable, et que c’est toujours embêtant de se montrer négatif envers ce style d’entreprise, force est de constater que le film se foire. Cédric depuis rate ici une occasion de se démarquer.

Le réalisateur dans Making Off
Citizen Lame

Arrivé un peu après la bataile, alors que le gore hexagonale se fait de plus en plus rare, le film avait un potentiel indéniable. Il essaye durant 1 h 18 de mettre en place une réflexion autour de la création, de définir la nature du cinéma, et de comprendre jusqu’où peut aller l’art. Si l’on fait l’impasse sur les qualités techniques (c’est un Found Footage) et le jeu approximatif des acteurices (c’est un tout petit budget), les premières minutes ne sont pas inintéressantes. Sur une tonalité qui n’est pas sans rappeler l’univers des Nuls, il est même possible de se prêter au jeu.

Pas de détour, « Making Off » est un film hypocrite.

Lorsque le récit sombre dans l’horreur à mesure que le héros dérive dangereusement vers la folie, les principales thématiques disparaissent pour laisser place à un critique de la célébrité instantanée. « Making Off » essaye alors de dénoncer l’absurdité des starlettes de la télé-réalité et de toutes les personnes prêtes à n’importe quoi pour une petite minute de gloire. Pourquoi pas, vu que ce système broie plus qu’il ne fait de bien à ces gens, il y a clairement une problématique de société qu’il est possible de pointer du doigt. Le problème, c’est que Cédric Dupuis se met à faire exactement ce que son personnage (homonyme) dénonce.

Le casting du cast dans le film du film de Making Off
« Mais qu’est-ce qu’on est venu faire dans cette galère ? »

« Making Off » essaye alors par tous les moyens de choquer. Non pas choquer pour établir le témoignage d’un système pourri, mais choquer pour choquer, afin de se démarquer et de sortir du lot. Alors, la provocation, ça a du bon, et beaucoup d’œuvres de cinéma se voulaient provocantes, mais à propos (« A Clockwork Orange » pour exemple, puisque le film est cité). Mais la frontière entre la provocation et la bêtise se révèle très fine. Malheureusement, le métrage se vautre totalement dans une surenchère de séquence gore, avec beaucoup trop de scènes nécrophiles, et une seule, mais de trop, scène scatologique.

Une opportunité trop rare pour avoir le droit de se foirer…

Le film passe dès lors totalement à côté de son propos, pour ne devenir que l’œuvre potache d’un cinéaste qui n’a pas su prendre la mesure de ce qu’est la provocation au cinéma. N’est pas John Waters, Jørg Buttgereit ou Gaspar Noé qui veut. Ce n’est pas en singeant bêtement des séquences tordues que l’impact sera identique. Au cinéma, il est primordial de créer un univers, une ambiance, de mettre en place un contexte et des personnages, afin de pouvoir ensuite se faire plaisir. Choquer pour choquer, techniquement c’est à la portée de tout le monde, et en plus le film le dit très clairement. Maintenant, provoquer, titiller l’ordre moral établi et déstabiliser les réacs’, ça ne se fait pas juste en montrant quelqu’un manger du caca.

Le rélisateur en plein craquage dans Making Off
« Regardez moi, je suis fou ! »

Cédric Dupuis avait de la suite dans ses idées, et « Making Off » peut certainement ravir quelques amateurs de cinéma déviant, mais il n’est finalement pas beaucoup plus intéressant que les « Human Centiped » de Tom Sixx. À la forme ne se substitue aucun fond, et d’une pseudocritique sociétale ne résulte qu’un shock horror qui se démène trop dans le malsain pour demeurer sympathique. Et pourtant, l’auteur de ces lignes aurait adoré aimer ce film et en dire bien. Ce type de tentative reste tellement rare, et malheureusement leur échec n’encourage pas à en produire plus. Pourtant, c’est aussi avec les ratés, qui ont leur place, que les genres évoluent, et en ce sens, « Making Off » aurait pu ouvrir la porte à d’autres expérimentations. N’en demeure qu’un énorme gâchis, à la hauteur de son mauvais goût.

Pour en Savoir Plus

Making Off sur IMDB
Making Off sur ShadowZ

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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