Andy Muschietti, U.S.A, 2019, 169 min
On prend les mêmes et on recommence… Non, pas tout à fait ! On reprend les mêmes, leurs modèles plus vieux ET on recommence. Dans la continuité logique du premier volet, « IT Chapter Two» repart absolument tous les travers de son prédécesseur, pour cette fois les étaler sur près de 3 h. À l’instar du bouquin qui traîne parfois en longueur, le rythme de cet opus peine à se maintenir et apparaît bien souvent confus, pour un résultat qui semble loin des ambitions d’Andy Muschietti. Ça, on ne peut pas le lui enlever. Proposer une fresque horrifique de près de 3 h, destinée à un public d’averti, c’est osé. Même Ari Aster n’a pas eu le droit de sortir sa version longue de « Midsommar », amplement supérieure, au cinéma.
Ça pourrait vraiment faire peur et puis… non.
Et pourtant de bonnes idées, cette suite n’en manque pas, il y a des séquences solides, et des moments bien sentis à se mettre sous la dent. Des passages pourraient vraiment terrifier, mais peinent à maintenir une ambiance inquiétante. Cela est dû à une avalanche de références pop, totalement hors contexte, et un humour bas de plafonds, au timing douteux. Ce dernier vient déglinguer les scènes qu’il est justement nécessaire de maintenir à un niveau de tension serré, pour obtenir le chill…
L’effet voulu (la peur) est complètement gâché par la répétition d’un mémorandum operandi éprouvé. Car « IT Chapter Two » ne demeure rien d’autre qu’une accumulation de séquences, toutes basées sur le même principe : découverte ou redécouverte d’un lieu du passé, retour d’un souvenir, attaque d’un monstre ou une apparition horrifique, intervention de Pennywise, BAGARRE, les violons entrent en branle, les Jump scare s’enchaînent, le son monté au maximum, hurlements/cris/pleures/rire du clown, et c’est comme ça pendant 2 h… Les premiers trois-quarts d’heure eux, ils prennent bien le temps de mettre l’intrigue en place).
Trop de référence tue le plaisir
Globalement, tout semble forcé. Rien ne paraît naturel, et par moments on dirait que les personnages eux-mêmes peinent à croire à une histoire peu passionnante, prenant place dans un univers dont ils découvrent les règles au fur et à mesure. Ils émettent des hypothèses toujours justes, et se montrent toujours prêts pour la BAGARRE. Sur 2 h 49, c’en est fatigant. À cela s’ajoute l’abondance de référence, avec un exemple désespérant : Pennywise qui reprend carrément le « Here’s Johnny » de « Shining ». Là, c’est le gros coup de coude dans le pif, le clin d’œil appuyé au spectateur et le doigt pointé vers l’écran : ‘’c’est au cas où vous n’auriez pas compris que nous sommes dans une adaptation de Stephen King’’ Wink Wink.
Mais ça ne s’arrête pas là, « Carrie », « L’Exorciste », « The Thing », et même « Le Seigneur des Anneaux ». Sorti de nulle part, sans logique, ou alors je suis passé complètement à côté, ne voyant qu’une accumulation nauséabonde de clins d’œil lambda… L’apothéose se situe aux détours de la devanture d’un cinéma diffusant « Nightmare on Elm Street »… Fatigant. Même les personnages, à leurs réactions, donnent l’impression d’être conscients de se trouver dans l’univers de Stephen King. C’en devient gênant par moment. Je renvoie pour cela à la scène, hallucinante de bêtise, où James McAvoy agresse littéralement un gamin, qui n’a rien demandé.
Beaucoup d’énergie est ainsi gaspillée à vouloir placer des références pop, de surface, plutôt que se concentrer sur l’application des codes de l’horreur. Pourquoi ne pas les repousser ? Les contrées ? Les réinventer ? Ou tout simplement essayé de proposer une œuvre efficace et novatrice ? Mais bon, visiblement n’est pas Mike Flanagan qui veut !
Un casting divisé par la notoriété
Alors, passons sur les prestations miteuses de Jessica Chastain et James McAvoy, qui depuis plus de dix ans maintenant, se montrent incapables d’introduire un peu de nuance dans leurs jeux. Mais arrêtons-nous un peu sur les seconds rôles, qui tiennent parfaitement leurs rangs. Particulièrement Jay Ryan et James Ransone, dont la présence a été diminuée par rapport au livre, pour mettre en lumière les deux stars du casting. C’est dommage.
En revanche, la mention spéciale va à Bill Hader, dont c’est le premier rôle dans un film d’Horreur. Comique d’origine, il fait ici état de tout son talent, au point même de sauver quelques scènes du naufrage total. C’est au final sur les seconds couteaux que le métrage tient le mieux. Convainquant et impliqués, c’est eux qui maintiennent une baraque branlante, debout sur ses fondations moisies.
Quant au public, il ne s’est pas trompé, puisqu’il a boudé ce deuxième volet. Sur un budget de 79 millions de $ (le premier en avait coûté 35…), il n’a rapporté à la firme des frères Warner “que” 400 millions de $ (là où le premier en avait rapporté plus de 700 millions). Il y a donc une justice.
Le récit passe à côté de son sujet particulièrement profond
En même temps, le film ne prend jamais la précaution d’accepter ce qu’il devrait être : un voyage anxiogène dans les tréfonds de l’horreur indicible. Le livre de Stephen King est un cri du cœur, destiné à la nostalgie de l’enfance, celle des temps de l’innocence et de la naïveté. Il décrit avec tendresse sa perte progressive, à mesure que l’enfant entre dans l’âge adulte et perd peu a peu ses amis de vus. Les chemins se séparent en même temps qu’il vieillit, il devient une autre personne. Cette réflexion/thématique servait de pivot au bouquin de King, secondée brutalement par l’évocation d’un traumatisme.
Pennywise est clairement un prédateur sexuel, ne s’attaquant qu’à de jeunes enfants, et les sept membres du Loosers club ont en commun ce traumatisme. Dans le roman, il se traduit par le biais d’une scène extrêmement dérangeante, mais lourde de sens. King rappelle que l’abus, l’attaque à l’intégrité du corps d’un enfant, ne doit pas pour autant le détruire. L’intégrité se situe dans la tête, cet espace infini et inviolable, et non dans la chair. Le traumatisme ne doit pas empêcher de vivre une vie normale. Pour cela, la mémoire occulte, et oublie progressivement le choc. Puis elle enterre ce qui l’entoure, et les souvenirs laissent l’enfance apparaître comme un Havre de paix, isolé loin dans le temps. Et les détails s’effacent, se fondent, et disparaissent. La mémoire a opéré sa fonction.
C’est tout ça qu’aborde avec brio “IT”. Mais par le prisme tout pété de l’objectif d’Andy Muschietti, et de la machine à broyer hollywoodienne, toutes ces thématiques très lourdes passent à la trappe. Elles sont réduites à peau de chagrin dans un film d’action horrifique risible, sans âme ni profondeur, et encore moins de texture. Rien que du déjà-vu une bonne centaine de fois, en beaucoup mieux.
Un bon divertissement, loin de ses ambitions initiales
Après, « IT Chapter Two » se montre efficace, et si l’ont veut se laisser conquérir, il y a certainement moyen de se plonger dedans. Mais il lui manque une portée universelle, et surtout l’audace de proposer autre chose. Et tout ce qu’il parvient à offrir du haut de ses 2 h 49, c’est de la lassitude. À l’image de la séquence où ils partent à la BAGARRE contre Pennywise, avec sa lumière dégueulasse, son action illisible, et son montage de type stade anal pipi-caca, fait avec le cul. Dans le livre, elle donne lieu à un passage d’une portée philosophico-métaphysique (qui plaît ou non, ce n’est pas la question). Ici, elle ne s’avère rien de plus qu’une scène d’action supplémentaire, dans un film qui semble composé que de ça.
En bref, il y a un souci avec ces deux “IT”, qui ne forment au final qu’un seul et même film. Vains l’un comme l’autre, ils ne parviennent jamais à se transporter réellement au-delà d’une production paramétrée qui ne s’assume pas. Le film renie sa nature de simple Flick horrifique, de série B d’épouvante, tout en se reposant sur des techniques éculées, inhérentes au genre. Et cela est certainement condamné par la convention de Genève, ou Édouard Philippe.
Post Scriptum
S’il y a cependant UNE scène à conserver, c’est le caméo hilarant de Stephen King. Antiquaire, il s’adresse au personnage de l’écrivain, Bill Denbrough, qui lui demande s’il a aimé son bouquin, ce à quoi le maître de l’horreur répond : “I didn’t like the end”… Tant réputé pour foirer la fin de ses livres, le type fait preuve d’un grand sens de l’autodérision. Et c’est encore plus drôle du fait que la fin du film est foirée… [Insérez plan canard].
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