Alejandro Brugués, Joe Dante, Mick Garris, Ryûhei Kitamura, David Slade, U.S.A, 2018, 119 min
« Nightmare Cinema » est une production horrifique qui annonçait un grand moment de terreur et d’horreur graphique. Film à segment, il compte parmi ses réalisateurs Joe Dante (excusez du peu), Ryûhei Kitamura (à l’origine de quelques séries B plutôt cools), ou encore David Slade (fût une époque, ce nom claquait). Au casting, se retrouve un Mickey Rourke impressionnant qui met au service sa gueule cassée, pour camper un drôle de projectionniste dont la passion consiste à collectionner les morts.
Sur son postulat de départ malin, « Nightmare Cinema » promettait une mise en abîme par le biais d’une réflexion sur l’objet cinématographique que représente l’Horreur. C’est là un moyen cathartique de se référer à sa propre mort, inéluctable. Cette peur devient un élément de divertissement à la fois jouissif et terrorisant, mais toujours léger, car le principe même du film de frisson demeure le suivant : le spectacle.
Une compilation inégale loin de ses promesses
Au travers de cinq histoires inégales, le métrage explore différents genres horrifiques. Du gore gaudriole à l’absurde malsain, en passant par l’angoisse lynchienne et les affres de la terreur, dans ce qu’elle a de plus dépouillé. L’ensemble est lié ensemble par des séquences qui se déroulent dans un cinéma vide, où les victimes sont appelées à venir regarder leurs morts sur grand écran. Elles sont mises en scène puis collectées par le projectionniste inquiétant. (Mickey Rourke hein, le mec qui ne pourra plus jamais jouer un personnage sain… Le pauvre vieux arrive à peine à articuler, et il tremblote… Mais sa carrure massive impressionne.)
Malheureusement, « Nightmare Cinema » est loin de tenir toutes ses promesses, et se contente d’accumuler les récits aléatoirement, avec fainéantise et facilité. Son manque de consistance rend le tout vraiment trop réflexif et semble ne jamais réussir à se dégager de sa nature théorique. C’en est même presque banal, au point que le film ressemble à s’y méprendre à une version ciné peu poussée des « Contes de la Crypte », ou « Creepshow », l’audace et le fun en moins. (Tout ce que possède la série « Creepshow » diffusée depuis 2019 par Shudder, également à l’origine de ce « Nightmare Cinema », qu’elle surpasse amplement).
Comme un pétard mouillé
Cette œuvre collective peine à atteindre sa cible, bien que quelques moments restent sympathiques. Le premier segment de Ryûhei Kitamura par exemple, s’essaye à une sorte de remake du « Red is Dead », le film d’Horreur de « La Cité de la Peur » (sans blague), des plus jouissifs dans sa débauche de gore. Il en va de même pour celui de Joe Dante qui sort un peu du lot, par son absurdité malsaine. Et le segment de David Slade propose un grand moment de bizarre perturbant, mais pas beaucoup plus. Quant au reste, ça demeure très convenu et ça manque d’ampleur, à la limite de l’ennui poli.
Loin d’une priorité, « Nightmare Cinema » entre dans le genre des programmes à lancer lorsqu’on a un peu fait le tour des propositions actuelles. Sorte d’objet du désespoir, il offre maladroitement quelques moments d’horreur disséminés ici et là, par quelques metteurs en scène vieillissants. Malheureusement, il est dommage que ces derniers peinent à proposer l’œuvre horrifique ultime, et se contentent d’un contenu des plus convenu et attendu.
Première production d’ampleur d’une plateforme de streaming
Néanmoins, « Nightmare Cinema » est l’une des premières productions de Shudder, et bénéficie de petits moyens. Elle a été pensée avec pour destination une plateforme internet dédiée au genre, pour les aficionados du cinéma d’horreur. En ce sens, toutes les promesses de ce coup d’essai, si elles ne s’avèrent pas à la hauteur aujourd’hui, pourraient dans un avenir proche en appeler à de nouveaux noms. Bénéficiant d’une liberté totale, permise par sa nature « on line », non soumise à la censure, des metteurs en scène en herbe pourront proposer des projets horrifiques plein d’audaces et sans limites.
Ainsi, « Nightmare Cinema » apparaît comme sympathique, et avec le temps il gagnera peut-être un statut culte. Après tout, il n’est que coup d’essai d’une nouvelle marque de fabrique. Si aujourd’hui les films que propose Shudder restent de minuscules productions, elles ont depuis gagné en texture, et ne représentent qu’un début d’évolution. Croisons les doigts, et prions les Dieux païens à cornes dans les plus obscurs recoins de la nuit, que nos frissons n’en sont qu’à leurs balbutiements.
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