Midsommar

Ari Aster, U.S.A, 2919, 171 min

À peine un an après l’impressionnant « Hereditary », qui abordait l’horreur par le biais du drama familial, exploitant des thématiques peu présentes dans le cinéma américain, avec sa seconde réalisation « Midsommar », Ari Aster propose une nouvelle expérience. Encore plus immersive dans le bizarre et l’occulte, l’œuvre entreprend de sonder les abîmes de l’Horreur, par l’entremise du drame personnel. Alors comme ça, vite dit, ça peut sembler un petit peu banal, sauf que pour traiter ses sujets, Ari Aster met en place un arc narratif étendu qui lui laisse beaucoup de temps.

Les protagonistes dans Midsommar
Le début d’un séjour inoubliable…

Sur près de 3h, le cinéaste ancre son propos au cœur d’une communauté païenne mystérieuse installée aux confins de la Suède. Le tout se situe au beau milieu de l’été, là où le soleil ne se couche jamais. À l’exception des dix premières minutes qui se déroulent de nuit à New York, tout le reste se passe en plein jour. C’est là la principale réussite du film : c’est un vrai film d’épouvante, scrupuleusement respectueux des conventions du genre.

Œuvre colorée pour Drame sombre

« Midsommar » se démarque par une esthétique hyper colorée, avec des couleurs flashy, du vert de l’herbe, du bleu de ciel, du blanc des païens. Il y’a des fleurs partout, les bâtisses en bois sont décorées, et même les falaises sont bleutées. Et avec ça, Ari Aster parvient à distiller une ambiance pesante, malsaine et presque gothique, tout en prenant bien le temps de poser son récit (le Director’s Cut dure près de 3 h), et surtout de développer ses personnages.

Jack Reynor, William Jackson Harper et Will Poulter dans Midsommar
Tous les personnages ne sont pas conquis par ce havre paradisiaque…

Plus le métrage progresse et plus les zones d’ombres autour de la communauté païenne très solaire, sont mises à jour. Au travers de Dani, une jeune femme souffrante de troubles comportementaux, dû à un deuil carabiné, le spectateurice est invité au cœur du fonctionnement de cette société hors du temps, qui lui révèle peu à peu tous ses secrets. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ari Aster prend vraiment soin de poser son histoire. Ça se ressent que tout est réfléchi. C’est même parfois un peu too much, ou téléphoné.

Jack Raynor et Florence Pugh dans Midsommar
Le rapport homme/femme concerne aussi une bonne partie du récit

C’est d’ailleurs là le gros point faible du film. À l’image de cette scène où le petit-ami de Dani (et second protagoniste), se présente pour la première fois aux païens. Il leur dit : « Hi, I’m Christian ». lol. Ça peut sembler un peu lourd, et ça ne sert pas vraiment le propos, puisque les spécificités qui en font toutes sa porté, se trouvent ailleurs, dans le non descriptif.

Un film qui prend son temps et c’est pas plus mal

Durant tout le long du métrage sont ainsi distillés comme ça des indices, parfois un peu lourdauds, et parfois plus subtils, et si l’on se montre attentif ils permettent de déceler des indications sur le déroulement des évènements. Même le climax final est révélé lors d’une séquence. À trop se vouloir malin, le film tombe par moment un peu trop dans la suffisance. Néanmoins, comme pour son aîné « Hereditary », « Midsommar » bénéficie d’une mise en scène des plus classieuses, qui prend son temps pour présenter un cadre afin de l’explorer.

Florence Pugh dans Midsommar
Florence Pugh porte l’ensemble du métrage par son envoûtante interprétation

À aucun moment ça ne sent l’urgence, bien qu’il fût produit, tourné et distribué avec une étonnante rapidité. Il y a une véritable volonté de baigner l’audience dans une atmosphère bien définie, et de l’y noyer. Et c’est là qu’arrive l’horreur la plus pure, sans prévenir, à pas lent et sans bruit, elle cueille les personnages principaux. Ce sont des Américains, ils ne parlent, ni ne comprennent, le suédois. Dans un souci d’immersion, le réalisateur a d’ailleurs sciemment oublié de mettre quelques sous-titres aux autochtones pour aider à la compréhension. En tant que spectateurices on partage ainsi le désarroi des personnages plongés dans une ambiance de plus en plus glauque.

La peur elle est avant tout au plus profond de soi…

Construisant son axe principal autour de Dani, et le rapport qu’elle crée avec la communauté de hippies chelous, il est possible de lire « Midsommar » comme une réflexion propre au mal-être. Jeune femme mal dans sa peau et toxique dans sa relation amoureuse avec son petit-ami Christian (hé hé), elle est dans un premier temps rejetée, avant de prendre conscience de ce qu’elle est. Et c’est toute sa construction psychique qui est en fin de compte mise en branle durant 3 h.

La communauté païenne dans Midsommar
Bon, visiblement, ce soir, ce sera pas soirée Disco…

« Midsommar » correspond dans sa forme conventionnelle à tout un pan du cinéma d’épouvante, du genre du Folk Horror, « The Wicker Man » en tête (celui de 73 ET celui avec Nicolas Cage, Yeah !). Cependant, au-delà de ses influences formelles, le métrage d’Ari Aster doit être lu tel le parcours d’une femme cassée par la vie. Peu à peu, comme elle le peut, elle apprend à reconnecter avec elle-même, à se redécouvrir en tant qu’individualité, tout en se trouvant une place au cœur d’un ensemble.

L’Horreur dans le fond comme dans la forme

Malgré son côté baroque clairement revendiqué, balançant des séquences particulièrement hard, sans crier gare, le métrage développe un propos concret. Il ne cherche jamais à choquer pour choquer. Bien au contraire, toute l’horreur dont il fait état a un sens, et fait partie du processus de réparation de Dani. En admettant la violence inhérente à notre monde, elle peut s’accepter en tant que personne. Au sein de la communauté, cette violence ne se veut pas vaine, elle véhicule une justification, elle existe dans un but concret, liée à des croyances, que l’on y adhère ou non. Nous sommes ici très loin du type dans la rue, qui flingue un badaud pour une paire de Nike, ou un macroniste qui parle de précarité.

Jack Raynor dans Midsommar
Une ambiance inquiétante distillé par toutes petites touches

Traînant son gros défaut de vouloir fabriquer du mystique avec tout et rien (qui lors d’un second visionnage réduit son impact), « Midsommar » reste toutefois une œuvre riche, et vraiment originale. Surprenante comme « Hereditary », elle prend son audience au dépourvu, l’entraînant dans les tréfonds horrifiques d’une humanité égarée. L’invitant sournoisement pour y affronter les peurs et les craintes inhérentes à l’existence.

Un second film virtuose

Le tout, emballé dans un bel écrin, ne peut qu’impressionner, car il faut le reconnaître, c’est un beau film, Sa durée n’est absolument pas pénalisante, au contraire, il est très agréable de se plonger au cœur de cette communauté, et de prendre son temps pour la découvrir. Sans artifices, et avec très peu d’action, sans être contemplatif, et misant tout sur la solide construction de ses personnages, il ne souffre d’aucune longueur ni de boursoufflures.

une tête avec des fleurs posées sur les yeux, dans Midsommar
Par moment, c’est juste… Bizarre.

« Midsommar » c’est une expérience cinématographique réellement riche, qui n’est pas réservée aux seuls amateurs d’Horreur ou d’Épouvante. Pour peu que l’on accepte de se prêter au jeu et de s’embarquer pour un voyage bizarre, le métrage d’Ari Aster se présente comme une bonne usine à cauchemars. Paradoxalement, il offre aussi le récit magnifique d’une quête de soi, orienté vers une humanité qu’il reste à retrouver, ou à redécouvrir.

Pour en Savoir Plus

Midsommar sur IMDB

Bande Annonce

Forgé par le gore et l'horreur déviante, amateur de Slasher depuis sa plus tendre enfance, Stork est toujours là où on l'attend : devant un film, muni de sa plume et prêt à suriner le moindre métrage...

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